Rencontre avec Jonathan Blanchet, expatrié au Groenland

Rencontre avec Jonathan Blanchet, expatrié au Groenland

Rencontre avec Jonathan Blanchet, étudiant au campus de Caen de Sciences Po Rennes, qui nous raconte son expérience Erasmus à Nuuk, capitale du Groenland.

 

Salut Jonathan, peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Jonathan Blanchet, j’ai 20 ans et je suis actuellement en 3ème année à Science Po Rennes, plus précisément sur le campus de Caen qui possède une formation spécialisée dans l’étude des pays nordiques. Pour cette 3ème année, l’ensemble des étudiants doivent pendant une année travailler et/ou partir à l’étranger dans une université partenaire. Pour ma part, je suis parti au Groenland, à l’Université De Nuuk qui est la capitale du Groenland.

 

Raconte-nous comment se passe ton Erasmus ?

 Ce parcours correspond à réaliser un semestre à l’université partenaire puis un semestre consacré à réaliser une expérience professionnelle. Par conséquent, j’ai suivi une formation disposée par l’Université pour le 1er semestre, puis j’ai fait un premier stage pour le gouvernement groenlandais, pour le ministère des Finances à Nuuk, dans la capitale.

Pour ce qui est de ma formation, j’ai eu principalement des cours de droit international, axés sur les régions polaires et j’ai eu un peu d’anthropologie liée au Groenland pour mieux comprendre la culture Groenlandaise.

J’ai fait ensuite un autre stage pour la municipalité de Sisimiut, dans une ville encore plus reculée que Nuuk. Enfin, je réalise actuellement mon dernier stage encore une fois au gouvernement groenlandais, mais cette fois-ci pour la division de la constitution, un des départements du bureau du 1er Ministre. Il faut savoir que le gouvernement est tombé en février, par conséquent, les différents départements du gouvernement ont été restructurés.

Ce qui est intéressant au Groenland, c’est qu’il y a des opportunités que je n’aurais pas pu avoir en France. Le pays est petit, c’est environ 50.000 habitants. C’est très simple de nouer un réseau, les réseaux sont peu développés, ainsi tout le monde se connaît rapidement. Du coup, quand j’étais au gouvernement, j’ai eu la chance de côtoyer les ministres tous les jours. C’est une opportunité que je n’aurais pas pu avoir si facilement en France. Je ne regrette pas mon choix d’être parti à Nuuk, car on peut atteindre des postes importants rapidement et travailler en collaboration avec des personnes à hautes responsabilités comme le 1er Ministre. Je trouve ça vraiment enrichissant, car je rencontre des personnes inspirantes, qui veulent construire quelque chose de positif pour le Groenland. Actuellement, le territoire est sur la route de l’indépendance, le Groenland étant un territoire autonome intégré dans le royaume du Danemark. . Ce qui m’a permis d’assister et de participer à de nombreux sujets à propos de l’indépendance du Groenland et comment l’instaurer.

Pourquoi avoir choisi le Groenland ?

En fait, le partenariat vient d’être signé. Je suis le premier et le seul élève à être parti. Depuis toujours, je suis intéressé par les pays nordiques, donc je voulais partir à Stockholm en Suède et j’avais trouvé un stage en Laponie. Cependant quand Nicolas Escach, le directeur du campus de Caen nous a annoncé un nouveau partenariat avec l’Université de Nuuk, je me suis dit que c’était un risque à prendre, personne n’y est jamais allé certes, mais c’est tellement unique de partir dans une région du monde aussi reculée et captivante que le Groenland.

Donc, la sélection se joue sur les trois élèves, finalement, j’obtiens la place. Et après, c’est toute une préparation pour ce voyage. Ce n’est pas comme si tu vas en Espagne ou comme en Belgique voire même en Suède. Je me prépare à cette expérience depuis que j’ai eu mes résultats en février. Ainsi, de février à septembre, j’ai dû me préparer à différents niveaux. Étant le tout premier étudiant à partir, je n’avais aucun retour, ni sur l’université, ni sur le logement, ni sur la vie là-bas. Par conséquent, je me suis rendu compte de beaucoup de choses seulement une fois arrivé là-bas. À mon arrivée, je n’avais que mes affaires et une adresse pour me loger, je n’étais en contact avec personne.

 

Comment se passe la crise sanitaire pour toi là-bas ?

Au Groenland, il n’y a aucune conscience de ce qui se passe à l’extérieur du territoire. J’ai ressenti une sorte d’innocence, car il n’y a pas eu de mort et il y a actuellement 0 cas. Ce qui montre que le Groenland est vraiment isolé du monde. Depuis que je suis arrivé au Groenland, je n’ai plus jamais mis le masque. Il n’y a aucune mesure ici. Ce qui permet de vivre pleinement mon expérience.

 

Raconte-nous la vie à Nuuk ?

J’ai passé environ 7 mois à Nuuk. Durant cette période, j’ai découvert des personnes et une culture très différente de la nôtre. J’ai vraiment fait l’effort de m’ouvrir aux autres, à leurs cultures pour vivre pleinement cette expérience. J’ai appris les bases de leur langue, j’ai partagé leurs coutumes et traditions. Ce qui fait que j’ai vraiment noué des amitiés et partager des moments forts avec les Groenlandais.

Sinon pour parler de Nuuk, la ville est située entre les montagnes et le fjord. Le rapport à la nature est très présent, bien qu’elle puisse paraître rude avec son climat extrême. Tout au long de ma journée, j’étais entouré de paysages magnifiques ce qui m’a vraiment détendu comparé à la vie en France où tout va très vite. J’ai appris à prendre mon temps à l’image du mode de vie des Groenlandais.

 

Qu’est-ce qui t’as marqué depuis le début de cette expérience ?

Ce qui me marque, c’est le rapport à la vie des Groenlandais qui est très différent du notre. Ils ont un rapport à l’argent qui est tout autre que le nôtre. Là-bas, l’argent sert principalement à acheter de la nourriture ou voyager, mais il y a peu d’activités de loisir. Dans la ville où je suis actuellement (Sisimiut), les activités se limitent aux chiens de traîneaux et aux motoneiges. Ainsi, il n’y pas ce besoin d’être riche, l’argent n’a pas autant de valeur qu’en France.

J’ai aussi apprécié leur rapport aux autres, ils vivent beaucoup en communauté. La famille, les amis et la communauté en général prennent beaucoup de place dans leur mode de vie. Ils sont prêts à investir beaucoup d’eux-mêmes pour un événement comme un baptême par exemple.

Enfin, l’éducation n’est pas aussi développée que dans les pays occidentaux. Il n’y a qu’une Université au Groenland et elle n’offre pas autant de formations que les universités que l’on peut avoir en France. Par exemple, pour devenir docteur, il faut obligatoirement partir au Danemark. Ainsi un grand nombre de Groenlandais, notamment les jeunes souhaitent partir du Groenland pour faire leur vie au Danemark ou ailleurs. Si l’éducation n’est pas très développée au Groenland, c’est parce que les diplômes n’ont pas la même valeur que chez nous. Par exemple, des pêcheurs peuvent très bien gagner leur vie en gagnant 100 000 € / an, ce qui n’incite pas à faire des études, car elles ne sont pas une condition pour bien gagner sa vie.

 

Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?

Ça n’a pas changé radicalement ma vie, mais cette expérience m’a fait évoluer, je n’ai plus la même vision des choses. Par exemple, je me prends beaucoup moins la tête maintenant, je ne subis plus le stress comme avant, je ne consomme plus de la même façon. Le Groenland m’a fait découvrir plein de choses et je suis maintenant beaucoup plus ouvert sur certains aspects qui m’auraient dérangé avant. Cependant, il y en a d’autres que j’ai toujours du mal à comprendre, comme le fait de manger des yeux de phoques, car c’est bon pour la santé.

 

Des conseils pour des étudiants intéressés par un parcours Erasmus ?

Tout d’abord, il faut bien se préparer. Ce parcours Erasmus demande davantage d’investissement qu’une autre destination à mon avis. La première difficulté va être de trouver un logement, car la situation immobilière est compliquée. De plus, vu que c’est un nouveau partenariat, il n’y a que peu d’informations à propos de l’université et de Nuuk.

Il faut être flexible quant à son départ et à son retour, de nombreux transports peuvent être annulés au dernier moment pour des raisons météorologiques. Pour ma part, j’ai dû partir le jour pour le lendemain plusieurs semaines après mon départ initial.

Il faut savoir que la vie et extrêmement chère, environ 60 % plus chers qu’en France. Ce qui s’explique par le fait que le Groenland est isolé du monde et qu’il doit pratiquement tout importer. Il faut aussi être au courant que la plupart de la nourriture est congelée, ainsi les légumes sont de mauvaise qualité et sont chers. À l’inverse, la viande notamment le poisson, le phoque, la baleine sont facilement accessibles.

Une des difficultés est la barrière de la langue, car les Groenlandais ne parlent pas bien anglais (ou plutot, ils ne sont pas habitués), en particulier en dehors de la capitale. Je vous conseille  de vous munir d’un dictionnaire pour apprendre les bases de leur langue. Sinon les Français sont très appréciés, la langue étant enseignée à l’école. Il y a de très nombreux liens entre le Groenland et la France, avec des Français dans presque chaque ville du Groenland qui maintiennent ces liens. De grands explorateurs, comme Jean-Malaurie, sont largement connus au Kalaallit Nunaat. 

L’hiver et l’été sont particuliers au Groenland, en hiver, le soleil à tendance à être présent qu’une heure ou deux, à l’inverse en été, il est pratiquement omniprésent ce qui implique de dormir alors qu’il fait jour.

 

Le mot de la fin ou une anecdote que tu veux nous partager ?

Si un étudiant est intéressé par une vie calme, honnête, dans l’authenticité et proche de la nature, je ne peux que l’encourager à aller au Groenland. C’est l’occasion de découvrir un territoire peu visité, où la nature et la culture sont encore fortement présentes. Cette aventure aura bien évidemment son lot d’inconvénients, mais on ne peut qu’en sortir plus grand.