
- ACTU BUSINESS POLITIQUE
- Nathan Henriot
- 18 mai 2025
Donald Trump et le “palace volant” : un cadeau diplomatique qui fait polémique
C’est un cadeau aussi prestigieux que controversé que la presse américaine révèle. La famille royale du Qatar est sur le point d’offrir au gouvernement américain un luxueux Boeing 747-8 Jumbo Jet. Retour sur cette annonce loin de faire consensus.
Un cadeau aussi stratégique que somptueux
Comme le dévoilent plusieurs médias américains, l’administration de Donald Trump compte accepter un luxueux Boeing 747-8 jumbo jet offert par la famille royale qatari. L’avion, surnommé le « palais volant », d’une valeur avoisinant les 400 millions de dollars, dépasse de loin tout autre cadeau étranger jamais offert à l’État américain. L’appareil, visité par Donald Trump en février dernier à Palm Beach, est âgé d’un peu plus de dix ans. Selon le New York Times, le président étasunien prévoit d’utiliser ce Boeing en remplacement des deux anciens Air Force One jusqu’à la fin de son mandat en 2029. La modernisation de l’appareil sera confiée à une entreprise texane spécialisée, L3Harris, afin de l’adapter aux standards militaires. Il sera alors doté d’équipements de communication sécurisés, de défenses électroniques et d’installations médicales.
Ce cadeau devrait être officiellement annoncé lors du premier long voyage à l’étranger de Donald Trump durant son second mandat. Il se rendra au Moyen-Orient, et notamment au Qatar. Ce don arrive au bon moment, puisque le président américain évoquait depuis quelque temps vouloir changer le Air Force One actuel.
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Donald Trump enthousiaste et un nouvel Air Force One
Depuis le début de son second mandat, Donald Trump a plusieurs fois évoqué vouloir remplacer les deux Boeing 747-200B d’Air Force One actuels. Il s’agit de deux appareils en service depuis 1990 sous l’administration George Bush père. Trump dénonce leurs coûts de maintenance exorbitants et des retards persistants qui s’accumulent contre Boeing dans la livraison de nouveaux 747-8 commandés pourtant en 2018 pour 3,9 milliards de dollars.
En février 2025, agacé, Donald Trump, avait suggéré que le nouvel avion présidentiel pourrait venir “d’un autre pays”, faisant en réalité référence au don controversé d’un 747-8 qatari. Ce cadeau inédit est destiné à l’Armée de l’air étasunienne. Le 47e président des Etats-Unis est enthousiaste et ne s’en cache pas : « Je suis très reconnaissant. Je ne suis pas du genre à refuser une telle offre ». Néanmoins, d’après ABC News, l’engin deviendra, après le mandat de D. Trump, propriété de la Fondation de la bibliothèque présidentielle Trump. Il pourra donc continuer de se servir du « palais volant » en tant que simple citoyen. Ce don, qui tombe à point nommé, soulève évidemment de nombreuses interrogations éthiques et juridiques.
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Une controverse constitutionnelle aux airs de favoritisme
L’annonce du don par le petit émirat du Golfe, connu pour sa diplomatie d’influence, à l’Armée de l’air américaine a rapidement déclenché des controverses politiques et constitutionnelles. En effet, la Constitution interdit aux représentants officiels d’accepter des cadeaux de gouvernements étrangers sans l’accord explicite du Congrès, sauf exceptions justifiées par l’intérêt national. La validation du Congrès n’a pas encore été donnée. Du côté de l’administration Trump, l’opération est tout à fait légale. Le « palais volant » serait offert non pas à un individu en particulier, mais bien à l’Armée de l’air, sans qu’aucune contrepartie ni avantage ne soit attendu en retour. Pour les élus démocrates, il s’agit d’un détournement évident de cette règle. Le sénateur Chris Murphy dénonce une « opération largement illégale » et la députée Kelly Morrison parle de « corruption à la vue de tous » Enfin, Chuck Schumer ironise : « Rien ne décrit mieux “America First” qu’un Air Force One offert par le Qatar».
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Des soupçons d’intérêts privés masqués
Au-delà du débat légal, cette affaire relance les soupçons de conflits d’intérêts entre les intérêts privés de Donald Trump et sa fonction présidentielle. En effet, en parallèle du cadeau volant, la Trump Organization prévoit par exemple la construction d’un édifice de 80 étages à Dubaï pour un montant d’un milliard de dollars. Sur la scène internationale, ce geste du Qatar est perçu comme une tentative d’accroître son influence à Washington, profitant d’un moment où les États-Unis affichent des ambitions d’autonomie stratégique. Cette affaire rappelle également un précédent en Turquie. En 2018, un Boeing 747-8 Jumbo avait été qualifié de cadeau par le président Erdogan, avant que l’opposition ne l’accuse de détournement à des fins personnelles.
Conclusion : un cadeau à haute altitude, entre prestige et controverse
L’offre du Qatar, aussi spectaculaire que stratégique, cristallise les tensions entre légalité institutionnelle et légitimité morale. Bien qu’aucune règle formelle ne semble violée, ce don réveille les doutes sur la séparation entre les fonctions publiques et les intérêts privés. Ce « Air Force One bis » illustre une diplomatie aux contours flous, où le symbole de puissance présidentielle se mêle à des enjeux d’influence. Qu’il soit légalement admissible ou non, le geste qatari marquera l’histoire comme un précédent déroutant et emblématique d’une époque politiquement troublée.