
- FINANCE ETHIQUE
- La Rédaction
- 3 avril 2025
Finance islamique, safran et éducation : Rencontre avec Alain Coppolani
Cet article est le premier d’une série inédite en collaboration avec les étudiants du MBA du département Finance Islamique de Financia Business School.
Alain Coppolani, un homme aux multiples facettes, incarne l’idée même de la pluridisciplinarité et de l’engagement.
Ancien militaire, chercheur, étudiant en triple cursus et passionné par l’Afghanistan, il ouvre une fenêtre unique sur des thèmes variés tels que la sociologie, la culture du safran ainsi que la finance islamique.
Dans cet entretien captivant, il partage son expérience, ses motivations, et ses aspirations, offrant une réflexion riche et nuancée aux étudiants en pleine réflexion sur leur projet professionnel.
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Un parcours académique et professionnel atypique
Alain Coppolani n’a pas un parcours classique. Après des débuts en linguistique à la Sorbonne, il rejoint l’école de sous-officiers de la Marine en 2006, où il passe onze ans, dont cinq dans les forces spéciales.
Ces années, marquées par des missions en Afghanistan, forgent en lui un profond respect pour la culture afghane. Blessé et réformé, il décide de reprendre ses études avec une détermination hors du commun : une licence en persan, plusieurs cursus en sciences humaines, et finalement un doctorat axé sur l’Afghanistan.
« Plutôt que de me spécialiser dans un domaine unique, j’ai choisi d’être moyen dans plusieurs domaines », confie-t-il avec humour.
Pourtant, son expertise est tout sauf moyenne : son approche pluridisciplinaire lui permet d’éclairer les sujets les plus complexes sous des angles variés.
L’Afghanistan et le safran : une passion transformée en vocation
L’Afghanistan n’est pas qu’une ligne sur son CV. « C’est un coup de cœur », explique-t-il, évoquant la richesse culturelle, la résilience des habitants et les paysages spectaculaires. Ce pays, où il a vécu six mois lors de sa mission militaire, est devenu le centre de sa recherche doctorale.
Son sujet, le safran afghan, est une métaphore parfaite de la complexité et du potentiel gigantesque de la région.
La production de safran ouvre des perspectives socio-économiques majeures. Devenu lui-même safranier, il ne se contente pas d’étudier : il plante et cultive cette épice sur son balcon parisien.
« C’est en plongeant dans le concret qu’on comprend mieux les enjeux théoriques », souligne-t-il.
Son ouvrage Si l’Afghanistan m’était conté illustre parfaitement cette démarche. Avec ce livre, il rétablit des vérités historiques et économiques souvent déformées. Il offre une analyse factuelle et pluridisciplinaire de cette culture emblématique, tout en proposant des solutions concrètes pour dynamiser le secteur.
“C’est aussi pour ça que j’ai écrit ce livre, à force de faire le parisien moyen râleur, qui considère qu’il n’y a pas de livre sur tel et tel sujet “, ainsi il a décidé de devenir doctorant et de s’investir dans la recherche afin de rétablir la vérité grâce à une approche qui se veut factuelle.
La finance islamique : un pont entre théologie et économie
La finance islamique s’est imposée dans son parcours presque naturellement, comme une extension de ses recherches et de son intérêt pour l’islamologie. Alain a récemment achevé le certificat de finance islamique de Financia, une référence en France, un domaine qui, selon lui, réconcilie éthique, économie et spiritualité.
« Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la finance islamique n’est pas limitée aux pays arabes ou aux musulmans. Elle offre des solutions innovantes qui résonnent avec des valeurs universelles, comme l’équité et le partage des risques », explique-t-il.
De plus, il insiste sur l’importance d’une compréhension rigoureuse des textes fondateurs en langue originale.
Actuellement, il poursuit un Executive MBA spécialisé en Finance Islamique du département Finance Islamique de Financia Business School , qu’il espère utiliser pour créer des ponts entre différentes disciplines et cultures.
Selon lui, la traduction de certains termes, comme “interdit”, peut être trompeuse et fausser les interprétations. Cette approche critique enrichit sa capacité à relier la finance islamique à des réflexions éthiques et historiques plus larges.
Un idéal éthique face à des barrières socio-économiques
« Dans son essence, l’éthique de la finance islamique repose sur des principes simples et compréhensibles, mais son application est souvent biaisée, notamment dans les contextes fragiles comme l’Afghanistan », explique notre interlocuteur.
Pour lui, l’éthique ne devrait pas être un concept flou, mais bien une boussole claire et applicable à la vie quotidienne. Dans des pays comme l’Afghanistan, où les systèmes financiers conventionnels peinent à s’imposer, la finance islamique pourrait jouer un rôle crucial en favorisant le développement rural, en finançant les petites entreprises ou en stimulant des initiatives communautaires.
Cependant, il pointe du doigt un paradoxe majeur : la finance islamique, souvent présentée comme inclusive, est parfois inaccessible aux populations qu’elle prétend servir.
Une quête de clarté dans un débat biaisé
Pour beaucoup, la loi islamique, dite “ charia”, est un concept flou, souvent mal compris ou mal expliqué.
« Le problème, c’est qu’il y a toujours un biais dans la manière dont elle est abordée », confie l’auteur qui a consacré ses recherches à ces sujets. Selon lui, les explications sont souvent influencées par des préjugés culturels, religieux ou idéologiques, ce qui empêche une réelle compréhension.
La charia, comme bien d’autres concepts sociaux ou religieux, est vécue de manière intuitive par ceux qui la pratiquent. En effet, l’absence de mots pour décrire certains aspects du quotidien ne signifie pas l’absence de signification ou de valeur.
« Les gens n’ont pas forcément un mot pour chaque chose qu’ils font au quotidien. Et c’est là que certains chercheurs voient des problèmes là où il n’y en a pas forcément. »
Le rôle clé de la communication et de l’éducation
L’un des axes principaux de la réflexion de notre invité réside dans la communication. Trop souvent, la finance islamique est présentée sous un prisme sensationnaliste ou biaisé. « Soit on en fait une utopie sans défaut, soit on la résume à des clichés comme l’interdiction de l’intérêt, sans expliquer en quoi cela bénéficie réellement aux populations », regrette-t-il.
Pour lui, le remède est simple : revenir au factuel. « Il faut nommer, expliciter avec des mots simples, dater, chiffrer. Ensuite, laisser chacun se faire sa propre opinion. » L’éducation joue ici un rôle clé. Les élites économiques et financières, comme celles qui fréquentent les grandes écoles françaises, doivent être sensibilisées non seulement aux opportunités qu’offre la finance islamique, mais aussi aux défis qu’elle pose en termes d’éthique et d’accessibilité.
Dans les cinq à dix prochaines années, il envisage une évolution contrastée de la finance islamique, dépendant des pays et des contextes locaux.
Des leçons pour les étudiants en économie et finance
L’histoire d’Alain Coppolani est une invitation à repousser les limites de la curiosité intellectuelle et de l’engagement.
Pour les étudiants de Grandes Écoles, il propose une leçon simple mais puissante : embrasser l’inconnu. « Il faut savoir poser des questions, décortiquer les concepts et ne pas avoir peur de changer de voie », affirme-t-il.
Son parcours illustre aussi l’importance de l’interdisciplinarité. En reliant la finance islamique, l’agriculture durable et les études sociologiques, il offre un modèle de réflexion global adapté aux défis contemporains.
« On ne peut pas relever les défis actuels avec une vision cloisonnée. Il faut élargir son horizon. »
Alain Coppolani met également en avant les compétences linguistiques comme outil indispensable pour les recherches.
Maîtrisant plusieurs langues, dont le persan, le roumain, le pachto, et quelques notions d’arabe classique, il souligne comment ces compétences lui permettent de consulter des sources dans leur contexte originel. Cette approche, explique-t-il, est cruciale pour éviter les approximations et approfondir les analyses.
Si vous souhaitez découvrir davantage le travail d’Alain Coppolani sur l’Afghanistan, n’hésitez pas à consulter son livre Si l’Afghanistan m’était conté paru aux éditions Les Belles Lettres en 2024.
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