
- OUTILS & RESSOURCES
Noely Delabia
- 24 mars 2025
“Cordialement”, smileys et remarques déplacées : ce que vos mails disent (vraiment) de votre entreprise
Une enquête FLASHS pour Hostinger.fr révèle les dessous insoupçonnés des mails professionnels : entre politesse surjouée, stress numérique et sexisme, les messages du quotidien sont loin d’être de simples outils neutres.
Lire plus : Comment bien rédiger un mail professionnel ?
Le mail professionnel : outil de productivité ou piège invisible ?
Outil incontournable du monde du travail, le mail professionnel est souvent perçu comme une routine anodine. Pourtant, derrière chaque « Bonjour », chaque « Cordialement », chaque smiley glissé ou évité, se joue une micro-politique du quotidien. Et l’étude FLASHS pour Hostinger.fr, menée en août 2024 auprès de 2 000 salariés et dirigeants du secteur tertiaire, lève le voile sur ce théâtre feutré où se cristallisent stress, tensions générationnelles, normes sociales et inégalités de genre.
Une surcharge invisible mais généralisée :
18 % des salariés déclarent recevoir plus de 50 mails par jour, un chiffre qui atteint 34 % chez les dirigeants. Mais surtout, près de la moitié des professionnels interrogés passent plus d’une heure par jour à gérer leur messagerie, une tâche devenue chronophage, notamment pour les 35-49 ans, la tranche la plus débordée.
Résultat : 42 % des salariés disent ne pas avoir assez de temps pour traiter correctement leurs mails, contre seulement 34 % des dirigeants. Le mail n’est plus seulement un moyen de communication, il devient un objet de pression constante. Le stress est particulièrement palpable au retour de vacances : 62 % des salariés et 75 % des dirigeants redoutent d’ouvrir leur boîte mail après une période de repos.
Le travail n’a plus d’horaires : la messagerie déborde
La frontière entre vie pro et vie perso s’effrite. Deux tiers des salariés admettent consulter leurs mails en dehors des horaires de travail. Ce chiffre grimpe à 87 % pour les dirigeants. Et les jeunes générations sont loin d’y échapper : 81 % des 18-24 ans consultent leurs mails le soir ou le week-end, et 44 % n’hésitent pas à répondre en direct, sans programmer l’envoi.
À travers ce phénomène, c’est toute une culture de l’hyperconnectivité qui se dessine. Le mail devient le prolongement d’une pression silencieuse, qui rend le droit à la déconnexion presque utopique.
« Cordialement » ou rien ? Quand la politesse devient politique
La présence ou l’absence de formule de politesse en fin de mail divise : 50 % des salariés s’en agacent, tandis que l’autre moitié s’en moque. Plus frappant encore : les femmes sont nettement plus sensibles à cette marque de respect (55 % d’entre elles s’estiment agacées, contre 46 % des hommes).
Et si « Cordialement » reste la formule la plus utilisée, elle est aussi… la plus détestée ! 21 % des sondés la trouvent agaçante, devant « Au plaisir de vous lire » (14 %) et « Salutations distinguées » (13 %). Chez les plus jeunes, « Cordialement » est perçu comme froid, formel, voire hypocrite. Un signe que le langage professionnel est lui aussi en pleine mutation.
Lire plus : Lettre de motivation : quelles sont les formules de politesse à utiliser ?
Le smiley, nouvelle fracture générationnelle
Faut-il glisser un smiley dans un mail professionnel ? La réponse dépend de votre âge et de votre fonction. Si 53 % des salariés n’en utilisent jamais, les plus jeunes (18-24 ans) y recourent plus volontiers : près d’un sur deux l’utilise selon le destinataire, contre seulement 39 % des 50-64 ans.
Mais au-delà de l’usage, la perception varie : 36 % trouvent les smileys inappropriés, tandis que 31 % les considèrent comme conviviaux. Et seuls 7 % des seniors les estiment utiles pour éviter les malentendus, contre 18 % des 25-34 ans.
Le mail devient ainsi un terrain d’affrontement culturel, entre rigueur formelle et expression émotionnelle.

Intelligence artificielle : la nouvelle plume du manager ?
L’étude révèle une adoption croissante des outils d’IA dans la rédaction des mails. 55 % des dirigeants y ont recours, contre 39 % des salariés. Chez les plus jeunes, l’usage est plus régulier : structuration de mails complexes, traduction, correction stylistique, voire rédaction complète.
L’IA s’impose ainsi comme un assistant d’écriture discret, mais révélateur d’un besoin d’efficacité… et parfois d’un déficit de confiance ou de temps.

Quand les mails deviennent inappropriés et sexistes
Loin d’être neutres, les mails professionnels peuvent aussi véhiculer du sexisme ordinaire. 30 % des femmes interrogées déclarent avoir reçu au moins un mail inapproprié : compliments déplacés, demandes d’informations personnelles, remarques sur le physique, voire contenus à caractère sexuel. Les jeunes femmes (18-24 ans) sont les plus exposées, notamment aux propositions de rendez-vous hors cadre professionnel.
Mais le malaise ne s’arrête pas là. 46 % des femmes ont déjà ressenti, dans un échange par mail, une remise en cause de leurs compétences en lien avec leur genre. Ce chiffre grimpe à 53 % chez les femmes dirigeantes. Le mail devient alors le miroir d’une réalité structurelle : les inégalités de genre se nichent jusque dans les lignes les plus banales.
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Conclusion : ce que vos mails disent de vous… et de votre entreprise
Loin d’être de simples outils fonctionnels, les mails professionnels sont devenus les témoins silencieux des dynamiques à l’œuvre dans le monde du travail : surcharge mentale, conflit intergénérationnel, tension entre politesse et sincérité, irruption du numérique, inégalités de genre.
En négligeant les codes ou en les surjouant, on révèle parfois bien plus qu’un message : un rapport au pouvoir, à l’autre, à l’organisation du travail. À l’heure où l’IA, les messageries instantanées et le télétravail redéfinissent les relations professionnelles, il est plus que jamais temps de repenser notre rapport au mail.