Interview de Yacouba Ouattara, Directeur général de Gaou Productions

Interview de Yacouba Ouattara, Directeur général de Gaou Productions

Zoom sur le parcours d’une personnalité qui évolue depuis une quinzaine d’années dans le monde du spectacle vivant en Côte d’Ivoire. Ayant d’abord collaboré avec le célèbre groupe Magic System, puis ayant participé à l’organisation du Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo avant de poursuivre ses études avec un Mastère Spécialisé à Paris. Découvrez dans cet article de Planète Grandes Écoles, l’interview de Yacouba Ouattara, Directeur Général de Gaou Productions.

 

Bonjour Yacouba, pourrais-tu te présenter et nous parler de ton parcours scolaire et professionnel ? Pourrais-tu également préciser comment cette histoire a commencé ?

Je m’appelle Yacouba Ouattara, j’ai 41 ans. Je travaille depuis une quinzaine d’années dans le secteur du spectacle vivant en Côte d’Ivoire. J’ai accumulé diverses expériences professionnelles, notamment dans les pays voisins tels que le Burkina Faso, le Bénin et le Togo.

À vrai dire, je n’étais pas initialement destiné à évoluer dans les industries culturelles. Depuis le lycée, ma passion résidait dans la technologie et l’internet. En Côte d’Ivoire, l’accès à internet est en pleine croissance. Dès ma classe de seconde, j’avais une idée précise de mon orientation professionnelle : étudier les télécommunications. Ainsi, après l’obtention de mon baccalauréat scientifique, j’ai poursuivi avec un BTS en télécommunications. Cependant, malgré ce diplôme, trouver un emploi adéquat était compliqué en raison du manque d’opportunités. Quelques années plus tard, j’ai entrepris une formation d’ingénieur informaticien. Parallèlement, grâce aux opportunités offertes par internet, j’ai acquis en autodidacte des compétences en conception de sites web. Je proposais alors mes services en tant que freelance dans ce domaine, ce qui m’a permis d’acquérir une expérience variée au sein de plusieurs entreprises, jusqu’à ce que je rejoigne spécifiquement l’entreprise Top Visages.

C’est là que tout a commencé. Un jour, un journaliste m’a proposé de rencontrer quelqu’un sans préciser son identité. Lors de cette rencontre, j’ai découvert qu’il s’agissait d’A’Salfo, le leader du groupe Magic System. Au cours de notre échange, il m’a informé qu’il venait de lancer son festival, le FEMUA (Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo), et qu’il souhaitait créer un site internet pour cet événement. J’ai alors proposé une maquette pour le site, qui a été bien reçue. C’est ainsi que notre collaboration a débuté, une collaboration qui perdure depuis plus de quinze ans maintenant.

J’ai donc intégré Gaou Productions en tant que Webmaster du festival FEMUA, où j’ai pris en charge la conception du site internet ainsi que la gestion des réseaux sociaux du festival. Par la suite, j’ai élargi mes responsabilités pour inclure également la gestion en ligne de l’ensemble de Gaou Productions.

 

Quels ont été tes différents postes ? Quelles étaient tes missions respectives ? Qu’en as-tu retenu ?

Effectivement, j’ai occupé divers postes au sein de Gaou Productions.

J’ai commencé en tant que freelance en collaboration avec A’Salfo, mais notre partenariat s’est rapidement formalisé. Initialement, j’ai travaillé en tant que Webmaster, responsable de la conception et de la gestion du site internet ainsi que des réseaux sociaux du festival FEMUA. À cette époque, étant donné que l’équipe n’était pas encore très développée, j’ai assumé plusieurs rôles en parallèle. Outre le webmastering, j’ai également pris en charge des tâches telles que la photographie et la vidéographie, contribuant ainsi à alimenter nos plateformes en ligne.

Il est important de noter que, dans les débuts, l’activité principale de Gaou Productions était le festival FEMUA.

Au fil du temps, mes responsabilités se sont accrues. En plus de mes fonctions de Webmaster, j’ai commencé à être impliqué dans l’organisation même du festival, notamment dans la gestion des artistes et des aspects logistiques tels que les voyages, l’hébergement et la restauration (VHR). Avec le succès croissant du festival, j’ai été promu Directeur des opérations du festival ainsi que de Gaou Productions dans son ensemble. À ce titre, j’occupais une position de leadership au sein de l’entreprise, travaillant en étroite collaboration avec A’Salfo, le fondateur, sur les aspects opérationnels et stratégiques.

Mon rôle consistait principalement à coordonner les différentes équipes, notamment celles dédiées à la communication, à la logistique et à la technique, pour assurer le bon déroulement de nos activités sur le terrain. Cette période a été marquée par un travail intense de coordination et de planification pour garantir le succès de nos projets.

En janvier 2020, avec l’évolution des activités de la Fondation Magic System, axées sur les actions sociales et responsables, A’Salfo a décidé de se concentrer pleinement sur ces initiatives. Cela m’a amené à assumer le rôle de Directeur général de Gaou Productions, une transition qui a exigé une réflexion stratégique approfondie sur les activités de l’entreprise et son développement futur.

Cette nouvelle position m’a confronté à des défis de gestion et d’organisation plus complexes, alors que l’entreprise évoluait et que le festival n’était plus son unique activité. J’ai dû travailler en étroite collaboration avec les équipes pour définir de nouvelles orientations stratégiques tout en maintenant notre engagement envers la coordination efficace et la réussite de nos projets.

Voici un aperçu de mes différents postes et missions chez Gaou Productions, ainsi qu’un aperçu des défis et des enseignements tirés de chacun d’eux.

 

 

Qu’est-ce qui t’a plu le plus dans ton rôle de Webmaster ?

À chaque mission, je me suis confronté à des défis, des enjeux, et surtout, à des expériences passionnantes. En tant que Webmaster, comme je l’ai mentionné, j’étais chargé de produire du contenu et de dynamiser nos divers réseaux. Cette expérience m’a conduit à voyager fréquemment avec le groupe Magic System, ce qui ajoutait une dimension dynamique à mon travail.

 

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Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton rôle de Directeur des Opérations puis de Directeur Général ?

En passant au poste de Directeur des Opérations, j’ai assumé de nouvelles responsabilités en lien avec le webmastering. Bien que mes déplacements aient diminué, j’ai été confronté à des défis de plus en plus stimulants et captivants. À chaque étape de mon ascension professionnelle, j’ai trouvé des enjeux passionnants, jusqu’à ma nomination naturelle en tant que Directeur Général. Dans cette fonction, j’ai été amené à traiter avec des partenaires et à m’impliquer dans des négociations commerciales. À chaque nouveau poste, j’ai découvert des défis stimulants et enrichissants. De plus, j’ai toujours cru à tort que plus on montait dans la hiérarchie, moins on travaillait, mais cette idée s’est avérée fausse. Je pensais que les collaborateurs et les responsables hiérarchiques inférieurs assumaient la majeure partie du travail.

 

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Pourrais-tu nous décrire une de tes journées types à ce poste de DG ?

Pour te donner un aperçu d’une journée typique, je commençais très tôt le travail et je terminais souvent tard. J’arrivais avant l’ensemble du personnel et je partais après tout le monde. Pourquoi ? Tout simplement parce que j’étais le premier responsable de l’entreprise. Au cours d’une journée ordinaire, je passais la majeure partie de mon temps à échanger avec mes collaborateurs et à traiter les points soulevés par mes collaborateurs directs. Entre 8 heures et 17 heures, considérées comme les heures de travail habituelles en Côte d’Ivoire, je consacrais beaucoup de temps aux réunions et aux discussions sur les missions à venir. Avec ces tâches récurrentes, mes propres responsabilités de DG devaient être accomplies avant 8 heures du matin, ce qui nécessitait d’arriver tôt, et je les finalisais souvent après 17 heures lorsque le bureau se vidait, afin de pouvoir me concentrer sur des tâches telles que la préparation de rapports pour des réunions avec la direction.

J’ai rapidement réalisé que ce n’était pas aussi simple que prévu. Le temps est un élément crucial à ce niveau de responsabilité. Il était nécessaire de trouver plus de temps que prévu dans la journée, car les responsabilités étaient nombreuses. Il était évident que travailler de 8 heures à 17 heures était insuffisant. À 17 heures, je savais que je devais encore accomplir des tâches avant de pouvoir rentrer chez moi. Je me fixais moi-même des objectifs à atteindre, sans avoir besoin d’en recevoir, afin que cela puisse influencer positivement le reste de l’équipe. C’était le genre d’horaires que j’adoptais en termes de volume de travail et de journée type.

En ce qui concerne les activités concrètes, il arrivait souvent que je me déplace pour rencontrer des partenaires avec lesquels nous travaillions sur des projets en cours ou sur des événements à venir. Ces déplacements impliquaient parfois des rencontres pratiques pour discuter des détails des partenariats ou des aspects techniques d’un événement à venir, comme un concert au Palais de la Culture d’Abidjan. Dans ces cas-là, je devais me rendre sur place pour rencontrer les équipes techniques en amont. Il pouvait également être nécessaire de rencontrer le directeur du Palais de la Culture d’Abidjan pour discuter de certaines questions éventuelles.

En résumé, une journée type de Directeur Général d’une société de production impliquait souvent des interactions avec des partenaires et des prestataires, nécessitant parfois des déplacements à l’extérieur du bureau.

 

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Depuis septembre 2023, tu as repris des études et plus précisément le Mastère Spécialisé de BSB en Management Culturel, pourquoi avoir fait ce choix ? Concrètement, qu’as-tu appris ?

Il y a principalement deux raisons.

La première raison est la suivante : à un moment donné, j’ai réalisé qu’il était important pour moi de me remettre en question. On pourrait penser que, en tant que Directeur Général, j’avais atteint un haut niveau de satisfaction, tant sur le plan professionnel que personnel. Cependant, je me suis rendu compte que j’avais encore beaucoup à apprendre. Dans mon parcours professionnel, je me projette à l’échelle internationale, et j’ai ressenti le besoin de me former à ce niveau. Dans l’industrie musicale, la concurrence est féroce, surtout en Afrique et en Côte d’Ivoire, où le secteur culturel est en pleine professionnalisation. Alors que la culture était traditionnellement perçue comme un simple divertissement, elle devient de plus en plus un secteur puissant offrant de nombreuses opportunités financières.

Ayant accumulé plusieurs années d’expérience, j’ai pensé qu’il serait judicieux de suivre une formation en France. Cela me permettrait d’appréhender de manière plus approfondie le fonctionnement de l’industrie culturelle et créative.

La deuxième raison est liée à l’ouverture à l’international pour orienter ma carrière vers la coopération culturelle internationale. En effet, le développement des industries culturelles et créatives en Afrique nécessite un partage des bonnes pratiques et des réussites internationales. Ainsi, suivre une formation de ce type me permettrait, à moyen terme, de revenir en Afrique, en Côte d’Ivoire plus précisément, pour contribuer au développement de ces secteurs. C’est donc mon objectif professionnel à long terme. Sur le plan académique, je précise que j’ai débuté avec un Bac Scientifique, suivi d’un BTS en Télécommunication, complété par un diplôme d’informaticien avant de m’engager dans le milieu culturel. Ressentant le besoin de légitimer mes quinze années d’expérience dans ce domaine, j’ai décidé d’obtenir un diplôme certifiant mes compétences en Management Culturel.

 

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Après la formation du MECIC, quelles sont les prochaines étapes ? Que souhaites-tu faire ? Quelles sont tes prochains objectifs à court, moyen et long terme ?

En m’inscrivant à cette formation, mon projet professionnel était relativement clair. L’objectif était d’acquérir une expérience en Management Culturel en France, qui est reconnue comme une référence mondiale dans ce domaine. Cette expérience en organisation et en gestion culturelle en France est essentielle pour moi, car je souhaite contribuer à la professionnalisation des industries culturelles en Afrique.

La France est réputée pour sa professionnalisation dans divers domaines culturels, tels que la musique avec la Sacem, l’un des plus grands organismes de collecte de droits au monde, et le cinéma avec le Centre national du cinéma. Ces références sont inspirantes et je suis convaincu que l’expérience acquise en France sera précieuse pour le développement des industries culturelles en Afrique.

Mon objectif à moyen terme est de retourner en Afrique et de mettre à profit les compétences et les connaissances occidentales que j’aurai acquises. Je souhaite ainsi contribuer au développement du secteur culturel dans ma région en utilisant les enseignements tirés de ma formation en France. Ce sont là mes ambitions à court et moyen termes.

 

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Quels sont tes conseils pour les étudiants intéressés par le secteur de l’entertainment et plus précisément de l’industrie musicale ?

Dans ta question, tu as mentionné l’entertainment et ensuite l’industrie musicale. Je souhaite rebondir sur les termes utilisés dans ta question. L’environnement de la culture et de l’industrie musicale ne se limite plus simplement à une notion de divertissement. Il est essentiel de comprendre qu’il s’agit d’un véritable secteur d’activité, une industrie à part entière qui génère d’importantes valeurs financières. De la même manière que l’on peut être intéressé par les Télécommunications, les Technologies de l’Information (TI), ou le secteur de la santé, l’industrie musicale doit être considérée comme une véritable entreprise, un pourvoyeur d’emplois comme dans d’autres domaines. Ainsi, il y a deux points essentiels à prendre en compte. On peut entrer dans l’industrie musicale par véritable passion, à travers des influences de notre entourage familial ou par un réel intérêt pour le management et les défis que ce secteur offre.

Quelle que soit la raison, la musique fait partie intégrante de notre quotidien. Il est évident qu’il y a beaucoup à accomplir dans ce domaine et qu’il offre un potentiel financier considérable, similaire à des secteurs tels que la grande distribution, l’alimentation ou la restauration. La musique étant omniprésente dans nos vies, il est crucial de s’y intéresser et de se former afin de mieux comprendre et développer ce secteur. Ce sont ces informations que je peux partager avec les étudiants intéressés par l’industrie musicale, un secteur d’activité véritablement vaste.

Lorsque l’on examine les statistiques financières, on se rend rapidement compte que la culture est un secteur générateur de revenus significatifs. Il est donc essentiel de s’y intéresser de près, car c’est une industrie qui offre de nombreuses opportunités passionnantes.

 

Le mot de la fin 

J’ajouterai quelque chose au niveau de la formation. Cela ne va sûrement pas concerner ceux qui ont un profil junior puisque l’on se forme et découvre un poste à ce moment.

Ce que je veux dire et ajouter, c’est qu’il n’y a vraiment que la formation ainsi que la perpétuelle remise en cause de soi qui fait que l’on arrive à devenir plus performant pour pouvoir donner le meilleur de soi. Quel que soit le moment de votre vie, en tant qu’étudiant ou en tant que travailleur, en tant que personne active professionnellement, si vous ressentez le besoin de vous former, n’hésitez pas une seule seconde. Je conseille d’y aller, de ne pas hésiter et de foncer!

Rédacteur pour Planète Grandes Ecoles. Etudiant à BSB après une année de classe préparatoire ATS Economie-Gestion.