
- CARRIÈRE INTERVIEWS
Matthieu Castagnos
- 18 mars 2023
Interview de Cathy Collart Geiger, PDG de Picard
Dans cet article, tu retrouveras le témoignage de Cathy Collart Geiger, présidente directrice générale du groupe Picard.
Pouvez-vous vous présenter et revenir succinctement sur votre parcours académique ?
J’ai obtenu un bac scientifique, à l’issue duquel j’ai passé les concours d’école de commerce. Je suis ainsi, entrée à l’IPAG Business School, une école de commerce dont je suis aujourd’hui la marraine.
J’ai choisi de me spécialiser en marketing et grande distribution, et j’ai ainsi eu l’occasion de réaliser un de mes premiers stages chez Auchan, où j’ai réellement découvert l’univers de la grande distribution.
Vous travaillez dans le retail depuis maintenant plusieurs années, comment expliquez-vous cet attrait pour cette verticale ?
J’ai effectué l’ensemble de ma carrière dans la distribution, et tout a débuté à l’occasion de mon premier stage chez Auchan.
J’ai en effet pu y découvrir un métier dans lequel j’ai rapidement dû savoir prendre des décisions, manager des équipes, avec un champ de responsabilité important.
Je me suis complètement reconnue dans ce rôle, et je me suis très vite fixé l’objectif de devenir un jour directrice d’hypermarché.
Après mes études, je suis donc revenue à cette expérience en postulant à nouveau chez Auchan, où je suis entrée en tant que chef de rayon à 23 ans.
C’est un secteur où l’on peut s’épanouir sur le terrain (je suis bien devenue directrice d’hypermarché), mais aussi dans des fonctions plus stratégiques. J’ai eu la chance d’exercer des postes dans le marketing, les achats, en France, en Chine. C’est un secteur très dynamique, en perpétuelle évolution, qui nous impose de savoir sans cesse innover et se remettre en question. Pour y arriver, il faut savoir fédérer les équipes, les animer : un côté « meneur d’hommes » dans lequel je m’épanouis pleinement.
Quelle est votre stratégie mise en place pour maintenir l’image de Picard comme un des acteurs n°1 de la grande distribution ?
La stratégie que j’ai mise en place dès mon arrivée au sein de Picard en 2020 réside dans l’élaboration du plan Proxima.
Avec Proxima, Picard engage une transformation d’envergure fondée sur un ambitieux plan de croissance en France et à l’international. Une stratégie qui va de pair avec un développement durable et l’affirmation de notre marque citoyenne.
Au-delà des chiffres – un objectif de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires à horizon 2026, l’ouverture de 250 nouveaux magasins en 5 ans et la création de nouveaux parcours de courses, nous souhaitons faire de Picard une enseigne incontournable sur toutes les dimensions, qu’il s’agisse de produits et d’instants de consommation, de marque employeur ou encore d’engagement citoyen. Une ambition qui fait écho à notre raison d’être, « Nourrir sans cesse l’amour » : du bon produit et du bon goût, du bon pour tous, tout en limitant notre empreinte sur l’environnement.
Avec ce plan, Picard répond à des problématiques actuelles qui concernent chaque Français. Ils ont d’ailleurs, une nouvelle fois, plébiscité Picard comme leur enseigne alimentaire préférée en 2022.
Comment le groupe Picard s’adapte-t-il aux grandes tendances de changement de consommation comme le véganisme ou encore la transparence sur la qualité des produits ?
Picard œuvre depuis sa création à anticiper et accompagner l’évolution des modes de consommation. Cela s’exprime en une gamme de produits large et très diversifiée, répondant à toutes les habitudes alimentaires. Nous innovons ainsi chaque année à travers 250 nouveaux produits. Notre gamme est aujourd’hui composée de produits bruts, élaborés, bio, sans gluten, végétariens, etc.
Nous agissons aussi en faveur d’une alimentation saine et travaillons constamment sur le profil nutritionnel de nos recettes. L’huile de palme, les colorants artificiels, exhausteurs de goût et édulcorants, sont bannis de nos produits. En complément, nous réalisons chaque année 250 améliorations de recettes, afin de simplifier les listes d’ingrédients, de réduire les teneurs en sel, en sucre, sans nuire au plaisir gourmand.
Comment Picard gère les enjeux liés au développement durable ?
L’enseigne est engagée depuis plus de 10 ans en matière de développement durable. En parallèle de nos objectifs business instaurés avec Proxima, nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux en matière d’engagements environnementaux et sociétaux.
L’enseigne s’était par exemple engagée à diminuer la consommation énergétique de ses magasins de 10 % entre 2012 et 2020. Objectif rempli !
Ce résultat est le fruit des différents axes d’amélioration mis en place : équipements plus performants, écogestes…
Pour aller plus loin encore, nous nous sommes fixés pour objectif de réduire encore cette consommation de 10% entre 2020 et 2026.
Sur le volet de la solidarité, nous agissons notamment pour accompagner la jeunesse et les étudiants.
L’année dernière, nous avons organisé deux opérations de micro-dons auprès de nos clients, en faveur des Ecoles de la 2 ème Chance.
Nous accompagnons ces dernières dans la création d’un parcours spécialisé dans les métiers de la distribution alimentaire, et accueillons leurs stagiaires dans nos magasins.
En 2022, nous avons ainsi été labellisé Enseigne Responsable, pour la 3e année consécutive.
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Selon vous, peut-on associer grande distribution et innovation ? Si oui, pouvez-vous donner des exemples concrets ?
Tout à fait, et l’innovation sous toutes ses formes est au cœur même de l’ADN de Proxima. C’est donc un vaste sujet qui touche à nos produits, à nos services digitaux, à notre expérience en magasin, … Il est indispensable d’innover, et d’exploiter les nouvelles technologies pour coller à la vie des gens, et donc à leurs habitudes, qui changent et évoluent rapidement. Il est pour autant très important de garder des notions de proximité et de relation client. L’humain reste au cœur de nos métiers.
Par exemple, chez Picard, nous avons lancé à la rentrée dernière « Picard Pay », la première carte de paiement dématérialisée, digitale et rechargeable, qui permet aux adolescents et aux étudiants de faire eux-mêmes leurs courses via un budget géré par leurs parents.
L’inflation est un thème plus que d’actualité. Quelle stratégie avez-vous mise en place pour faire face à cette problématique ces derniers mois ?
Offrir des produits de qualité, et accessibles à tous, est notre priorité. Nous sommes donc bien entendu très concernés par cette problématique et avons mis en place un certain nombre de mesures visant à préserver le pouvoir d’achat des Français. C’est d’ailleurs un point sur lequel nous avons beaucoup insisté cette année en sensibilisant l’opinion à la lutte contre le gaspillage alimentaire, qui est un moyen efficace d’économie, rendue possible grâce aux avantages du surgelé, tel que sa grande capacité de conservation.
Par ailleurs, nous effectuons nos hausses de prix avec discernement, afin de tenir notre engagement d’offrir toujours le meilleur rapport qualité prix. Pour cela, nous pouvons adapter certaines de nos recettes, pour que nos produits restent accessibles, mais sans jamais déroger sur la qualité. À Noël, nous proposions par exemple de la truite française en substitut au saumon devenu très cher. Aujourd’hui, 300 de nos produits sont toujours commercialisés à moins de 3 €. Notre programme de fidélité Picard & Nous offre des remises immédiates en caisse, et permet de cumuler des points transformables en produits gratuits.
Comment décririez-vous votre vision concernant l’avenir de Picard ?
Dans un contexte de plus en plus chahuté, nous allons devoir toujours améliorer notre résilience, pour faire face aux crises conjoncturelles qui se multiplient d’année en année. Plus que jamais, nous allons devoir œuvrer pour promouvoir notre raison d’être, et offrir une alimentation saine et accessible, en proposant toujours le meilleur rapport qualité prix, et en répondant à toutes les tendances de consommation. Enfin, notre développement ne peut se faire qu’en s’appuyant sur une croissance durable.
C’est pourquoi nous allons continuer d’accompagner nos parties prenantes dans des modes de productions vertueux et respectueux de l’environnement. Une démarche qui nous permet d’avoir un impact positif sur notre écosystème de partenaires. Tel est le sens de nos actions, qui s’exprime par exemple très bien dans le récent lancement d’une nouvelle gamme de produits bio, locaux et équitables dans l’Ouest. Afin de construire un dispositif durable et responsable, bénéfique à l’ensemble des parties prenantes, la gamme est basée sur des conventions tripartites – producteur, industriel, Picard – par lesquelles le groupe s’engage à garantir un prix juste, et à verser 1% du montant des ventes pour alimenter un fonds de développement géré par les organisations de producteurs partenaires.
Comment Picard recrute et développe-t-il ses talents ?
Picard est un employeur qui œuvre au service d’un engagement fort : nourrir sans cesse l’amour du bon, du bon pour les hommes, et du bon pour l’environnement. Nous menons ainsi une politique de ressources humaines volontariste, ouverte à tous, favorisant le développement des talents, l’implication des équipes et la qualité de vie au travail.
Dans une démarche d’inclusivité, nous basons ainsi nos recrutements sur les soft skills et sur le partage de valeurs communes. Ce sont les qualités humaines et la personnalité qui priment. Nous accompagnons ensuite les talents à grandir au sein de l’enseigne en leur permettant de développer leurs compétences. Aujourd’hui, notre index de l’égalité professionnelle est de 99 %, et 2/3 de nos responsables de magasins sont ainsi issus de la promotion interne.
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En tant que directrice générale de Picard que représentent les diplômes aujourd’hui ? Sont-ils vraiment nécessaires ?
J’ai la chance d’être marraine de promotion à l’IPAG, où j’ai auparavant étudié, et d’intervenir régulièrement dans différentes écoles, je crois donc profondément à la valeur de l’enseignement supérieur.
Cependant, je sais aussi – et mon parcours dans la grande distribution en témoigne – qu’il y a une place à l’évolution interne et à l’ascenseur social pour chacun, le moteur étant le travail et la détermination. Les carrières multiples que nous accompagnons chez Picard en sont la preuve irréfutable et, ce, dans chaque domaine d’expertise.
La pertinence des diplômes va de plus en plus se mesurer à l’utilité que ces derniers ont au cœur des problématiques actuelles des entreprises. Donc je suis convaincue de la nécessité de rapprocher encore plus le monde de l’enseignement et celui de l’entreprise.
Vous êtes juré pour les oraux au concours d’admission de l’EDHEC Business School, que vous apporte cette expérience et quels conseils donneriez-vous aux futurs candidats ?
Cette expérience auprès des étudiants est une vraie richesse pour moi et permet d’appréhender l’enthousiasme et la volonté des jeunes générations qui s’engageront plus tard pour l’industrie française et dirigeront peut-être les entreprises de demain. Il est très important pour moi de connaître leurs moteurs, leur rapport au travail, leurs attentes,… autant d’aspects qui ont beaucoup évolué ces dernières années.
Aussi, partager avec eux le goût de l’innovation et de l’ambition, les encourager au dépassement de soi, et peut-être aider à créer des vocations font partie intégrante de ce rôle.
À tous, je conseille d’oser relever des défis. On attire ce en quoi on croit !
Un grand merci à Cathy Collart Geiger pour cette interview !