Rencontre avec Charlotte Peytour (HEC Paris x ENS Ulm) : Content Strategy Manager, entrepreneure et prof en prépa !
Après une prépa et un cursus à HEC Paris, Charlotte Peytour s’oriente dans l’univers de l’industrie créative avec de prestigieuses expériences chez Le Monde, HugoDécrypte ou encore au sein de Voodoo, licorne française. Il y a quelques années, elle décide de se dédier à sa passion, la philosophie, en lançant Elevations, un média dédié à la transmission de la philosophie, mais aussi en reprenant les études à l’ENS Ulm. Parallèlement à tout cela, elle est professeure de culture générale en classe préparatoire et nous partage de nombreux enseignements tirés durant son parcours ! C’est parti.
Bonjour Charlotte, peux-tu te présenter ?
J’ai 28 ans, je viens du sud de la France, et je suis d’abord et avant tout passionnée par la philosophie et la création de contenus. J’aime transmettre cette passion aux plus jeunes et aux curieux, leur faire découvrir cette belle discipline à travers des formats modernes, et en la croisant avec d’autres champs – peinture, cinéma, jeux vidéos, littérature ou encore anthropologie ou sociologie. Je suis également passionnée par le secteur de la tech, dans lequel je travaille depuis ma sortie d’HEC, et où j’ai occupé plusieurs rôles – en particulier dans la stratégie de contenu, justement. J’essaye en permanence de lier mon amour pour la philosophie et les derniers développements technologiques, en particulier dans mes sujets de recherche.
Tu as fait une classe prépa voie économique, pourquoi ce choix ?
En sortant du lycée, je voulais, comme la plupart des préparationnaires, prendre la voie la plus large, qui me permettrait de ne pas choisir et de continuer à la fois à développer mon esprit analytique – avec les mathématiques – tout en laissant une grande place aux disciplines littéraires. J’avais beaucoup hésité avec la classe préparatoire B/L mais j’ai finalement choisi de préparer les grandes écoles de commerce pour la pluralité des débouchés et la plus grande facilité à intégrer une école (davantage de places disponibles !).
À l’issue de ta prépa, tu intègres HEC Paris, raconte-nous tes années en Grande École de management !
Pour être honnête, ces années à HEC Paris ont principalement été des années de construction d’amitiés solides et d’amusement plus que d’apprentissage intellectuel – en tout cas en comparaison de la prépa ! Je me suis toutefois impliquée dans plusieurs associations – en listant BDE et en organisant le Gala de l’école – ce qui m’a permis de commencer à me confronter aux fondamentaux du management (gestion de budget, démarchage, communication…). Et j’ai surtout profité de cette occasion pour tester un tas de stages différents – dans le cinéma, dans les médias, et en conseil en stratégie.
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Durant tes années d’étude, tu as eu un fort intérêt pour le journalisme & l’industrie créative. D’où te vient cette appétence ?
J’ai toujours aimé le concept même de transmission, d’enseignement et de vulgarisation – pouvoir rendre simple et accessibles des sujets complexes, informer le plus grand nombre que ce soit autour de sujets d’actualités ou de sujets davantage liés au débat d’idée. Je consomme moi-même énormément de contenus informationnels et éducatifs, et je souhaitais pouvoir apprendre à les produire moi-même – à les écrire, à les réaliser, à les promouvoir. J’ai donc eu la chance d’effectuer un double-diplôme au Centre de Formation des Journalistes (CFJ), où j’ai pu apprendre à réaliser et rédiger des reportages sur le terrain.
Quel est ton retour sur ton expérience en tant que journaliste chez Le Monde et HugoDécrypte ?
C’est justement lors de mon double diplôme que j’ai pu effectuer ce stage au Monde, ainsi qu’à l’agence de Rome de l’AFP, et au sein du service politique chez Reuters. Lors de mon stage au Monde, on m’a confié la responsabilité de réaliser plusieurs articles pour le service International – j’ai appris la technique de l’interview, pu assister à des conférences de rédaction, et commencé à rédiger mes premiers papiers, publiés en Une du site LeMonde.fr. J’ai ensuite accompagné Hugo Travers au début de son développement de la chaîne HugoDécrypte. Nous n’étions que quatre à travailler sur ses contenus au départ, mais nous avons commencé à recruter activement d’autres journalistes, et j’ai pu l’aider à développer de nouveaux formats (en particulier les actualités de la semaine qui sont maintenant devenues les fameuses actualités du jour).
En quoi consiste le métier de Content Strategy Manager que tu as occupé chez Voodoo et que tu occupes encore maintenant ?
Pour la petite histoire, Voodoo est une très belle licorne (start-up valorisée à plus d’un milliard d’euros) française, pour laquelle j’ai travaillé à deux reprises – en sortie d’HEC et l’année dernière. Elle produit des applications mobiles dans plusieurs domaines (gaming, mais aussi réseaux sociaux, plateformes d’informations…). Le métier de Content Manager est très intéressant pour ceux d’entre vous qui aiment l’écriture et les médias ; selon les entreprises – cela peut varier énormément – il s’agit d’être en somme “rédacteur en chef” du produit (application, site web…) pour lequel on travaille. Produire ou faire produire le contenu (articles, vidéos, publicités, livres, visuels…), souvent manager une équipe de créatifs (designers, journalistes, monteurs vidéos), mesurer la performance du contenu produit, et en permanence itérer – soit modifier – cette stratégie pour s’adapter aux préférences des utilisateurs. Parmi les projets que j’ai effectués, j’ai contribué à penser et exécuter la stratégie de contenu d’une application dans la santé, pour aider les femmes enceintes à avoir accès au meilleur contenu médical dans ce domaine. J’effectue encore ce travail aujourd’hui au sein d’une licorne italienne, et c’est toujours aussi passionnant !
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En 2020, tu décides de reprendre les études en philosophie, d’abord à l’Université de Paris-Nanterre puis au sein de l’ENS Ulm… Qu’est-ce qui a motivé ton choix ?
J’ai découvert la philosophie en classe préparatoire, avec une professeure exceptionnelle – Silvia Manonellas, à Louis le Grand. J’ai compris grâce à elle à quel point c’était un outil merveilleux pour penser le monde, et la profondeur des croisements interdisciplinaires qu’elle pouvait engendrer. Pour nourrir cette curiosité pour la discipline, j’ai décidé, en parallèle de mon travail en contenu chez Twitch (que vous connaissez sûrement !), de commencer une licence de philosophie à distance. Vu que j’ai adoré cette expérience, j’ai continué en master de recherche à l’ENS-Ulm, où j’ai postulé sur dossier, ce qui m’a demandé de quitter mon emploi pour pouvoir y aller en présentiel. J’ai donc pris cette année et demie de césure pour enseigner, et continuer en freelance mon métier de stratégie de contenu. A Ulm, je travaille sur des sujets de recherche très spécifiques – en particulier la philosophie du futur, le transhumanisme, et la doctrine de conquête spatiale d’Elon Musk.
Dans cette même lignée, tu lances « Elevations », un média dédié à la philosophie…
Exactement, c’est un média présent sur Instagram et Tiktok (@elevationsfr) visant à partager mon amour pour la discipline et à aider les étudiants à préparer leurs examens et concours en philosophie. J’ai aussi lancé une newsletter, lophi, qui traite justement de l’intersection entre philo & autres disciplines. Je voulais transmettre mon savoir, produire du contenu moi-même sur mes passions, et faire connaître ma pédagogie au plus grand nombre. Aujourd’hui, nous sommes plus de 22 000 sur le compte Instagram et plus de 3.7 millions de vues ont été comptabilisées sur les vidéos.
Plus récemment, tu as rejoint MyPrepa en qualité de professeure de philosophie et culture générale pour les étudiants de prépa ECG…
Tout à fait, j’ai eu la chance de pouvoir enseigner cette année à deux classes de prépa ECG en deuxième année. Je suis tombée amoureuse de l’enseignement et j’ai vraiment beaucoup aimé préparer mes étudiants à l’épreuve de dissertation des concours BCE. Précédemment, j’avais déjà été colleuse à Louis le Grand, et je donne régulièrement des cours particuliers (stages de révision ou cours réguliers), mais le fait d’être en face d’une classe est une expérience tout à fait différente. Il faut gérer un groupe de grande taille, s’adapter au niveau de chacun, et développer sa propre pédagogie.
Comment arrives-tu à gérer ton quotidien entre tes multiples activités (prof, entreprise, création de contenu…)
Honnêtement, je n’y arrivais pas ! Je travaillais tous les jours de la semaine et je me suis épuisée (car j’avais également mon master à terminer). Heureusement, j’apprends peu à peu à sélectionner, à dire non, et à me préserver pour pouvoir continuer d’avoir une vie en dehors du travail. C’est souvent le piège avec les “métiers-passion” ; on se retrouve à travailler le soir parce que ça nous plaît, et on a beaucoup de mal à décrocher car on a des impératifs de chaque côté.
Avec du recul, quels conseils donnerais-tu aux étudiants qui souhaiteraient s’orienter vers des métiers plus créatifs et littéraires ?
Ce sont des métiers que vous pouvez tout à fait exercer après une école de commerce. Attention toutefois à ne pas sélectionner uniquement des entreprises dans ce secteur ; vous pouvez avoir de meilleures conditions de travail et des missions passionnantes en vous occupant de ce type de sujets au sein d’une entreprise qui ne semble a priori pas créative ni littéraire. Le secteur des médias en tant que tel est un secteur difficile, où les évolutions se font moins facilement que dans d’autres, donc élargissez vos horizons. Et surtout, si vous aimez écrire ou créer, faites-le sans attendre de trouver le boulot de vos rêves, et publiez vos créations si vous le souhaitez ! C’est ainsi que les opportunités arriveront (même professionnelles).
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Le mot de la fin ?
Ne vous faites pas avaler par la routine du monde de l’entreprise et continuez de garder une grande curiosité intellectuelle. Que ce soit par un hobby, une passion, un intérêt spécifique (apprentissage d’une langue, d’une compétence, découverte d’un courant cinématographique qui vous attire, lecture de romans ou d’essais)… Il faut absolument que votre identité ne se résume pas à votre travail salarié – la vie est trop courte pour mettre tous ses œufs dans le même panier et ne pas développer ses passions.