La licence de droit de Paris 1 Panthéon Sorbonne évolue en 2025 : analyse et conseils pour les étudiants

La licence de droit de Paris 1 Panthéon Sorbonne évolue en 2025 : analyse et conseils pour les étudiants

« La pratique du droit n’est pas la même qu’il y a 50 ans ». C’est la raison pour laquelle les directeurs de la licence de droit de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Madame le Professeur Agnès Roblot-Troizier et M. Farhad Ameli, ont initié une réforme ambitieuse et cohérente de la licence de droit. 

Elle entrera en vigueur à la rentrée 2025 pour les nouveaux enseignements (concernant les promotions de première et deuxième année de licence) et à la rentrée 2026 pour la réforme de la troisième année (à noter : les étudiants actuellement en deuxième année de licence droit en 2024-2025 ne bénéficieront donc pas de ces changements).

 

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La réforme de la licence à la Sorbonne

Pensée dans une logique de cohérence et d’adaptation au nouveau paysage universitaire, la réforme de la licence à la Sorbonne s’inscrit pleinement dans la dynamique impulsée par la plateforme Mon Master, qui généralise la sélection dès l’entrée en Master 1. Le changement majeur : le sixième semestre (S6) ne se déroulera plus en cours magistraux à l’université. En effet elle prendra la forme d’un projet personnalisé parmi quatre options au choix : un stage, un travail de recherche, un échange international ou un projet personnel encadré.

Cette nouvelle organisation offre une flexibilité précieuse aux étudiants tout en maintenant un haut niveau d’exigence académique. Pour compenser l’absence de cours en S6, les cinq premiers semestres seront renforcés et allongés : ils passeront de 12 à 14 semaines, permettant une meilleure couverture des fondamentaux disciplinaires.

Ce recentrage permet aux étudiants de mieux se préparer aux candidatures Mon Master, en évitant que le dernier semestre soit relégué à la course aux dossiers. Désormais, il devient un temps stratégique pour valoriser son parcours avec une expérience en lien direct avec son projet de master. Par exemple, un étudiant visant une carrière de magistrat pourra effectuer un stage en juridiction, renforçant ainsi la pertinence de sa candidature.

 

Le semestre pratique : comment l’appréhender

L’objectif de cet article est de proposer des pistes et de confronter la réalité des enjeux et contraintes que peuvent représenter chacun de ces choix. 

 

1. Stage : opportunités et réalités

Dans le cadre de cette réforme, certaines pistes concrètes de stages de licence méritent d’être explorées, en tenant compte des réalités du terrain. Par exemple, les cabinets d’avocats sont très prisés au second semestre académique, période correspondant au premier semestre de l’année civile. Ce créneau est fortement concurrentiel du fait de la présence de nombreux stagiaires en Master 2 ou d’élèves-avocats en stage final (ou PPI, notamment en entreprises ou en juridictions). Madame le Professeur Roblot-Troizier assure néanmoins que les « directions juridiques d’entreprises et les juridictions sont très intéressées ». Il devient donc stratégique de considérer d’autres alternatives plus accessibles : stages en juridiction, cabinets indépendants, ou structures juridiques moins saturées. 

Le forum des carrières de l’université prendra également une nouvelle importance dans ce contexte. Sa fréquentation devrait augmenter significativement, attirant l’ensemble des étudiants en quête d’opportunités concrètes. Pour en tirer le meilleur parti, un accompagnement spécifique s’impose : ateliers de préparation, relecture de CV, ou conseils pratiques pour maximiser l’impact d’un parcours encore en construction. 

Un point de vigilance essentiel concerne l’inégalité d’accès aux stages. À 19 ou 20 ans, bon nombre d’étudiants ne disposent ni d’un réseau professionnel solide, ni d’une première expérience significative. Cette réalité peut freiner leur accès à certaines opportunités, contrairement aux étudiants de Master 2 bénéficiant souvent de partenariats institutionnels ou de réseaux consolidés. Il est crucial d’éviter que le stage devienne une option réservée aux plus connectés, reléguant les autres choix (projet personnel, recherche, échange) à des plans B par défaut.

Cette ouverture au stage constitue une avancée majeure, et rien ne justifie que les étudiants de la licence de Paris, « bien qu’en « compétition » avec des étudiants plus expérimentés, ne trouvent pas leur place dans un marché juridique » en quête de talents comme l’affirme Madame le Professeur Roblot-Troizier.  

 

2. Le semestre à l’international : réciprocité des nouveaux besoins juridiques

La possibilité d’effectuer un semestre à l’international dès la troisième année de licence constitue une avancée stratégique. Elle s’aligne sur les standards des universités européennes, des écoles de commerce et d’ingénieurs, où la mobilité est souvent intégrée, conseillée, voire obligatoire.

 

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Longtemps freinée par des inquiétudes liées aux équivalences de notes ou aux algorithmes de sélection des Masters, la mobilité internationale était perçue comme risquée. Aujourd’hui, l’ouverture explicite de ce choix au second semestre de L3 marque un tournant. Elle permet d’aligner la licence de droit sur les exigences du monde professionnel. C’est le cas des cabinets internationaux, des directions juridiques ou des ONG, où l’ouverture juridique et interculturelle est essentielle.

 

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Une piste prometteuse pour l’avenir serait d’ouvrir le semestre d’échange à d’autres institutions françaises d’excellence, comme certaines Grandes Écoles membres de la Conférence des Grandes Écoles. Des établissements comme l’École Spéciale Militaire (ESM) de Saint-Cyr Coëtquidan proposent déjà ce type de mobilité interinstitutionnelle. Étendre les partenariats au-delà du cadre universitaire classique offrira aux étudiants de licence des opportunités variées, pouvant leur permettre de valider une vocation (armée, gendarmerie, police etc.). 

 

3. Le mémoire en licence : initier à la recherche, mais avec exigence

 

Un choix judicieux

L’introduction d’un mémoire de recherche dès la licence représente un tournant significatif dans l’approche pédagogique de la Sorbonne. Si l’idée peut séduire sur le papier, elle mérite d’être encadrée avec rigueur pour éviter qu’elle ne devienne une simple option par défaut, choisie faute de mieux. Dans un contexte académique bousculé par l’essor de l’intelligence artificielle, il est crucial de redéfinir la finalité et les conditions de cet exercice. Comme le notait récemment Le Monde dans un article sur « la révolution silencieuse des examens », l’université doit repenser ses méthodes d’évaluation à l’ère des IA.

Sur ce point, le Professeur Roblot-Troizier tient à rassurer : le mémoire ne sera pas laissé à l’improvisation. L’étudiant qui choisit cette voie bénéficiera d’un accompagnement personnalisé par un enseignant-chercheur, « ayant validé, et le plus souvent proposé, le sujet, et assurant un suivi régulier des recherches ».

 

Le fonctionnement

Ce dispositif est complété par un ensemble de cours spécifiquement conçus pour soutenir la démarche de recherche : culture générale, déontologie, éthique et compliance, style et écriture juridiques, argumentation et oralité. Ces enseignements visent à « préparer à la soutenance du mémoire, mais aussi aux grands concours des professions juridiques ».

En parallèle, les étudiants suivront des séminaires de recherche calqués sur ceux des Masters 2. Ces temps d’échange permettront « d’approfondir des questions de droit, explorer les grands débats doctrinaux, suivre les réformes en cours et découvrir les travaux de recherche menés par leurs enseignants »

L’enjeu est également d’adapter la recherche juridique aux outils numériques. Loin de faire disparaître la recherche, l’IA l’oblige à se transformer. « L’intelligence artificielle ne fait pas disparaître l’intérêt de la recherche juridique — heureusement ! Elle impose néanmoins de nouvelles méthodes. C’est précisément l’une de nos ambitions : apprendre à faire de la recherche avec l’IA. » rappelle le Professeur Roblot-Troizier.

 

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La soutenance du mémoire jouera alors un rôle clé : elle servira à évaluer la capacité de l’étudiant à mener une réflexion personnelle, à construire un raisonnement rigoureux, et à utiliser l’IA « intelligemment, comme nous serons tous amenés à le faire dans nos futures pratiques professionnelles ».

Enfin, il convient de rappeler que le niveau d’exigence reste proportionné au parcours. Il ne s’agit pas d’un mémoire de Master 2, mais bien d’une initiation structurée : « L’objectif est que les étudiants comprennent, dès la licence, l’intérêt de la recherche. Pourquoi faudrait-il attendre le M2 pour commencer à réfléchir ? »

 

4. Le projet individuel : une voie prometteuse

Bien que son cadre reste volontairement ouvert, l’option du projet personnel apparaît comme un levier d’innovation prometteur. Elle offre aux étudiants un espace pour exprimer leur créativité et construire un parcours sur mesure, à condition d’un accompagnement souple mais structurant. 

Comme le souligne le Professeur Roblot-Troizier, ce flou est assumé afin de « laisser place à l’imagination » des étudiants, tout en précisant que « l’École de droit validera en amont chaque projet, car toute activité bénévole ne se vaut pas : elle doit s’inscrire dans un parcours cohérent, menant à la délivrance d’une licence de droit ». 

 

En somme, la réforme de la licence de droit à la Sorbonne marque un tournant décisif pour l’avenir des étudiants. En répondant aux attentes des jeunes générations, qui recherchent à la fois flexibilité, internationalisation et personnalisation de leur parcours, cette réforme pose les bases d’une formation plus ouverte et adaptée aux besoins du marché juridique. 

Cependant, cette évolution ne concerne pas seulement la Sorbonne. D’autres universités pourraient suivre ce modèle, incitant une réflexion sur les processus de sélection dans le cadre de la plateforme Mon Master. En particulier, sur la solidification de la cohérence des justifications données par les étudiants sur leurs choix de masters. 

Pour conclure, c’est avec une réelle impatience que l’on attend la mise en place de cette nouvelle réforme. Elle va indéniablement renforcer l’attractivité de la licence de droit à la Sorbonne, et offrir aux étudiants une perspective plus évolutive et connectée aux défis du monde professionnel.