Interview d’Oumar Watt, fondateur de Kuzama Quest et ex McKinsey
Oumar Watt nous a accordé une interview pour revenir sur son parcours et sur sa très belle initiative, qui est porteuse de sens pour l’Afrique et l’avenir du continent.
Bonjour Oumar, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Bonjour Maxime, merci beaucoup pour cette opportunité de partager mon parcours.
Originaire d’une famille maroco-mauritanienne, j’ai grandi bercé par les cultures de deux pays, ce qui a naturellement nourri ma curiosité et mon envie d’explorer. Après mon baccalauréat, j’ai choisi de poursuivre mes études aux États-Unis, où j’ai obtenu un bachelor en Business Administration de l’Université FIU à Miami. Cette période a été fondamentale pour forger mes compétences entrepreneuriales et a marqué mes premiers pas dans le monde des affaires au sein de l’entreprise familiale.
Toutefois, conscient de la valeur accordée aux diplômes européens, j’ai ensuite intégré l’ESCP Europe. Le Programme Grande École m’a permis de vivre une expérience riche et variée à travers les campus de Paris, Londres et Madrid, élargissant ma perspective sur les affaires internationales et la gestion d’entreprise.
Ma carrière a pris un tournant significatif lorsque j’ai rejoint EY, travaillant en audit et en M&A. Cette expérience a aiguisé mes compétences en analyse financière et en stratégie d’entreprise. Poussé par une soif d’apprendre encore plus, j’ai ensuite opté pour un MBA à l’INSEAD, où j’ai été confronté à une diversité culturelle et académique intense, le tout en naviguant à travers les défis uniques de la pandémie de COVID-19.
Après l’INSEAD, mon passage chez McKinsey & Company a été une période d’application pratique de mes compétences acquises. Néanmoins, l’appel de l’entrepreneuriat a été plus fort. C’est ainsi que Kuzama Quest est né, une entreprise où je fusionne ma passion pour l’éducation avec un esprit d’innovation pour créer des expériences d’apprentissage uniques.
Lire plus : Interview d’Antoine Landraing, fondateur d’Hopteo
Vous êtes diplômé du PGE d’ESCP BS et du MBA de l’INSEAD par la suite, pourquoi avoir fait un autre diplôme après le PGE d’ESCP BS ?
Le PGE de l’ESCP et le MBA de l’INSEAD, bien que tous deux prestigieux, répondent à des besoins différents. Le PGE de l’ESCP m’a fourni une base solide pour débuter ma carrière, enrichissant mes connaissances académiques et ma compréhension du monde professionnel. En revanche, le MBA de l’INSEAD, destiné aux professionnels expérimentés, s’est concentré sur le développement du leadership et des compétences stratégiques pour résoudre des problèmes complexes. Cette étape a élargi mes perspectives et renforcé mon réseau international. Ensemble, ces deux programmes m’ont préparé de manière optimale pour les défis du monde des affaires, en alliant théorie et pratique.
Vous avez fait plusieurs stages en M&A à TDF et EY, comment avez-vous trouvé vos stages et qu’en avez-vous retenu ?
Ma carrière chez EY et mon expérience chez TDF ont été façonnées par un mélange de réseautage proactif et l’utilisation des ressources de l’ESCP. Chez TDF, j’ai saisi une opportunité partagée par un alumni de l’ESCP, menant à des entretiens réussis et une offre enrichissante.
Chez EY, j’ai commencé en audit avant de transiter vers le M&A en CDI, stimulé par mon expérience initiale et aidé par une associée aussi alumni de l’ESCP. Cette transition a été cruciale pour développer mes compétences en finance d’entreprise et stratégie.
Ces rôles m’ont enseigné la rigueur analytique, la gestion des relations clients, et l’importance de la pensée stratégique. Ils m’ont préparé à travailler efficacement sous pression et à m’adapter dans des environnements professionnels exigeants.
Comment s’est passé votre recrutement ? Avez-vous des tips pour réussir le process de recrutement ?
Le recrutement était rigoureux, exigeant une préparation approfondie. J’ai mis l’accent sur les aspects techniques et l’adéquation culturelle (« fit »). Mon conseil aux candidats est de valoriser l’aspect « fit » autant que les compétences techniques. Il est important de montrer comment vos expériences personnelles, même non professionnelles, ont développé des compétences pertinentes pour le poste. Par exemple, la pratique sportive peut démontrer la détermination et le travail d’équipe, tandis que les activités créatives peuvent révéler la rigueur et la gestion du stress. L’authenticité et la capacité à relier vos expériences au rôle visé sont cruciales.
Après votre MBA à l’INSEAD, vous avez fait deux ans et demi à McKinsey & Company. Comment définiriez-vous votre poste de Junior Engagement Manager ?
Ma carrière chez McKinsey a débuté en tant qu’Associate, progressant rapidement vers Senior Associate puis Junior Engagement Manager. Chaque étape a présenté des défis uniques, accélérant mon développement professionnel. Par exemple, peu de temps après mon arrivée, j’ai eu l’occasion unique de rencontrer le président d’un pays africain, une expérience qui a accéléré mon apprentissage notamment en gestion de la relation client.
En tant que Junior Engagement Manager, j’ai dirigé des équipes sur divers projets, coordonné avec les clients, et joué un rôle clé dans la stratégie et la planification. J’ai notamment piloté l’idéation et la planification du lancement d’une nouvelle ligne d’activité, un défi qui a nécessité une gestion habile des différentes parties prenantes et une vision stratégique. C’était un exercice d’équilibriste, jonglant entre les besoins et les attentes parfois contradictoires des différentes parties prenantes.
Ce poste, bien que complexe et exigeant, était extrêmement gratifiant. Il m’a permis de développer une compréhension approfondie des dynamiques d’entreprise et des stratégies de marché, tout en affinant mes compétences en leadership et en gestion de projet. Le rôle de manager dans un cabinet de conseil est sans doute l’un des plus difficiles, avec un turnover élevé à ce niveau, mais il offre également des opportunités uniques de croissance personnelle et professionnelle. C’était une expérience enrichissante qui a façonné de manière significative ma carrière et mon approche du leadership.
Comment se passe une mission à McKinsey & Company ?
Chaque mission chez McKinsey & Company est distincte, débutant par une phase de planification et de définition des objectifs avec le client. Cette étape assure que nos efforts sont alignés avec les besoins spécifiques du client. S’ensuit une période d’analyse intensive, où notre équipe se concentre sur la collecte de données et l’analyse approfondie des problèmes, combinant rigueur analytique et expertise sectorielle.
L’élaboration de recommandations stratégiques, présentées au client, marque l’aboutissement de notre analyse. Ces recommandations visent à offrir des solutions innovantes et transformatrices. Le travail d’équipe et la collaboration sont essentiels tout au long du projet, visant à créer une valeur tangible pour le client.
Un défi majeur mais gratifiant est de s’adapter rapidement à divers sujets, grâce à l’accès à une vaste gamme de ressources chez McKinsey. Malgré des délais serrés et une pression intense, l’ambiance d’équipe est collaborative et enrichissante. Travailler sur des projets à fort impact est extrêmement gratifiant, rendant chaque mission mémorable et enrichissante sur le plan professionnel.
En septembre, vous quittez McKinsey & Company pour lancer votre Kuzama Quest. Pourquoi avoir choisi de lancer ce projet entrepreneurial ?
Ma décision de quitter McKinsey pour lancer Kuzama Quest a été motivée par une passion de longue date pour l’entrepreneuriat. Inspiré par mes voyages et mon intérêt pour les cultures diverses, j’ai identifié une opportunité unique de fusionner l’apprentissage académique avec des expériences immersives et culturelles.
Kuzama Quest est né de la conviction que l’éducation doit évoluer pour répondre aux besoins du monde moderne, en particulier en ce qui concerne l’engagement des jeunes générations. De plus, je crois fermement que le succès de l’Afrique est crucial pour l’avenir global, et que les institutions éducatives doivent mieux représenter et intégrer les perspectives africaines.
Notre mission est de développer des programmes éducatifs innovants, centrés sur l’immersion culturelle, l’éducation et le networking en Afrique.
Nous envisageons également de proposer des expériences pratiques où les étudiants jouent des rôles actifs dans des scénarios réels, tels que des cabinets de conseil ou des fonds de capital-risque, soutenus par des experts. Parallèlement, nous travaillons sur des initiatives pour soutenir les startups africaines, et envisageons même l’utilisation de la réalité virtuelle dans nos programmes à l’avenir.
Ce projet est une aventure passionnée pour moi, car il vise à mettre en valeur l’Afrique et à transformer l’éducation pour mieux préparer les étudiants aux défis et opportunités du monde réel.
Comment s’est déroulé la préparation et le lancement de ce projet ?
La création de Kuzama Quest a été un parcours exaltant, marqué par des défis. La préparation a impliqué une analyse de marché approfondie et une compréhension des besoins des étudiants et des institutions éducatives, tout en élaborant une stratégie pour notre modèle d’affaires. J’ai passé de nombreuses heures à développer notre proposition de valeur unique pour répondre aux attentes variées de notre public.
Le développement de notre réseau de partenaires en Afrique a été essentiel, nécessitant des voyages, des rencontres et des négociations pour établir des relations solides avec des acteurs clés, assurant ainsi des expériences authentiques.
En parallèle, nous avons travaillé sur le marketing et la communication de notre offre, ciblant les écoles de commerce et les universités, et développant du matériel promotionnel et une stratégie de communication digitale.
Le lancement de Kuzama Quest a été un moment de fierté, marquant le début d’une aventure entrepreneuriale pleine de défis et d’opportunités, où la passion et la persévérance sont primordiales.
Quels sont les objectifs de Kuzama Quest ?
Les objectifs de Kuzama Quest sont ambitieux et pluriels. Notre mission première est de réinventer l’approche éducative, en intégrant des expériences immersives et pratiques dans le parcours académique des étudiants. Nous voulons briser les murs des salles de classe traditionnelles et offrir un apprentissage qui transcende les frontières géographiques et culturelles.
En outre, Kuzama Quest aspire à être un catalyseur de liens entre l’Afrique et le reste du monde. Nous sommes déterminés à mettre en lumière la richesse et la diversité du continent africain, en offrant aux étudiants des perspectives uniques et en créant des opportunités de collaboration et d’échange.
Enfin, nous visons à contribuer activement au développement de l’Afrique en soutenant des initiatives locales, en collaborant avec des startups et des entrepreneurs africains, et en favorisant un écosystème d’innovation et de créativité. Notre vision est de créer un impact durable et positif, tant pour les participants à nos programmes que pour les communautés avec lesquelles nous interagissons.
À quoi ressemble votre quotidien actuellement ?
En tant que fondateur de Kuzama Quest, mes journées sont un mélange dynamique d’activités variées et de défis stimulants. Je participe à des réunions stratégiques avec des partenaires potentiels, des sessions de brainstorming pour affiner nos offres, et je suis en contact constant avec des institutions éducatives pour présenter notre concept unique d’expéditions éducatives immersives.
Lors de mes voyages, comme récemment à Kigali, je découvre des innovations locales telles que la livraison médicale par drones avec Zipline et la première usine africaine de smartphones de MaraPhone. Ces expériences innovantes sont au cœur de ce que nous souhaitons partager avec nos étudiants. Au Maroc, par exemple, l’industrie automobile se développe rapidement avec des acteurs comme Renault ou Stellantis et de nombreux fournisseurs, tandis que l’aéronautique connaît une croissance similaire avec des groupes comme Daher. Ces industries en plein essor sont des facettes de l’Afrique que je suis passionné de mettre en avant dans nos programmes.
Il y a aussi beaucoup de voyages avec, dans les prochaines semaines, des visites prévues en Côte d’Ivoire, au Nigeria, en Égypte, en Afrique du Sud et au Kenya pour discuter de l’expansion de nos expéditions. Ces voyages sont essentiels pour découvrir de première main les innovations et les opportunités uniques de chaque pays.
En parallèle, je collabore avec plusieurs écoles de commerce et leurs clubs Africa, en France et à l’étranger, pour établir des partenariats et étendre notre réseau.
Je travaille également sur le développement de notre future offre, qui nécessite une préparation considérable et la formation de partenariats stratégiques. Cela implique une planification minutieuse et des collaborations étroites avec divers acteurs clés.
Ma vie quotidienne est un équilibre entre flexibilité professionnelle et engagement personnel. Chaque jour apporte son lot de surprises, de défis inattendus et de nouvelles opportunités passionnantes. Cette incertitude est stimulante et me pousse à rester agile et réactif, tout en maintenant un équilibre sain entre ma vie professionnelle et personnelle.
Le mot de la fin
Je tiens à exprimer ma gratitude pour cette opportunité de partager mon parcours et les ambitions de Kuzama Quest. J’encourage vivement les institutions éducatives à explorer ce que nous offrons et à envisager des collaborations. Pour ceux qui sont inspirés par l’entrepreneuriat, je suis toujours disponible pour partager mon expérience et offrir des conseils. Kuzama Quest est plus qu’un projet professionnel pour moi ; c’est une passion et un engagement envers l’éducation et le développement interculturel. J’espère que notre travail inspirera d’autres à explorer de nouvelles frontières et à contribuer à un monde plus connecté et compréhensif.
Lire plus : Interview d’Andrew Coffey, CEO de Smurfit Kappa France