- INTELLIGENCE ARTIFICIELLE TECH
- Sharjeel Tahir
- 30 septembre 2023
l’UNESCO souhaite réguler les nouvelles technologies dans l’éducation
Dans son rapport mondial 2023 sur le suivi de l’éducation, intitulé « La technologie dans l’éducation : qui est aux commandes ? », l’UNESCO pose quatre questions sur lesquelles les acteurs de l’éducation et les décideurs politiques doivent s’interroger lors du déploiement des nouvelles technologies dans l’éducation.
L’usage de la technologie est-il pertinent ?
Le rapport de l’UNESCO démontre que si la technologie peut améliorer certains types d’apprentissage dans certains contextes, elle peut également perdre ses bienfaits, notamment dans les cas suivants :
- utilisation excessive de la technologie dans l’éducation
- absence d’un enseignant qualifié pour accompagner l’apprentissage avec les outils technologiques
Lorsque l’enseignement se fait exclusivement à distance, les inégalités d’apprentissage se creusent. En effet, près de 90% des référentiels en ligne de l’enseignement supérieur ont été créés en Europe ou en Amérique du Nord, et 92% du matériel de la bibliothèque mondiale de l’Open Educational Resources Commons est rédigé en anglais.
Manos Antoninis, directeur du rapport, précise : « Nous devons tirer les leçons de nos erreurs passées en matière d’utilisation des technologies dans l’éducation afin de ne pas les répéter à l’avenir. Nous devons apprendre aux enfants à vivre à la fois avec et sans technologie, à sélectionner ce dont ils ont besoin dans l’abondance d’informations, mais à ignorer ce qui n’est pas nécessaire, à laisser la technologie soutenir, mais jamais supplanter les interactions humaines dans l’enseignement et l’apprentissage ».
La technologie est-elle équitable ?
Le rapport indique que le droit à l’éducation est de plus en plus synonyme de droit à une connexion Internet performante, alors qu’une école primaire sur quatre n’a pas d’électricité. Ainsi, lors de la pandémie de COVID-19, le passage soudain à l’apprentissage en ligne a exclu au moins 500 millions d’élèves dans le monde, en particulier les plus pauvres et les habitants des zones rurales. L’UNESCO appelle tous les pays à établir des critères de référence pour connecter toutes les écoles d’ici à 2030 et continuer à se concentrer sur les élèves les plus marginalisés.
La technologie est-elle efficace ?
Aujourd’hui, il n’existe aucune preuve solide, rigoureuse et impartiale de la valeur ajoutée de la technologie dans l’apprentissage. La plupart des évaluations menées proviennent des États-Unis où le What Works Clearinghouse souligne que moins de 2% des cas de recours à la technologie qui ont été évalués présentent des preuves solides ou modérément solides d’efficacité. Lorsque les tests sont effectués par les entreprises technologiques elles-mêmes, un risque de biais existe.
Par ailleurs, le marché des technologies de l’éducation se développe alors même que les besoins éducatifs de base ne sont pas satisfaits. Les pays, quant à eux, ne tiennent pas suffisamment compte des coûts à long terme des dépenses technologiques. Le passage à l’apprentissage numérique de base dans les pays à faible revenu, et du raccordement de toutes les écoles à Internet dans les pays à revenu moyen inférieur, augmenterait de 50 % leur déficit de financement actuel pour atteindre les résultats nationaux de l’ODD 4. Le passage à une éducation entièrement digitale à l’échelle mondiale, avec une connexion internet dans les écoles et les foyers, coûterait plus d’un milliard d’euros par jour pour son seul fonctionnement.
La technologie est-elle durable ?
La pensée critique et la culture numérique sont devenues des compétences de plus en plus importantes pour les élèves, en particulier avec l’essor de l’IA générative. Des données annexées au rapport de l’UNESCO montrent que ce processus d’adaptation s’est amorcé : 54 % des pays observés ont défini les compétences numériques qu’ils souhaitent développer à l’avenir. Mais seuls 11 des 51 gouvernements évalués ont mis en place des programmes d’études sur l’IA.
Au-delà de ces compétences nouvelles, l’alphabétisation de base ne doit pas être négligée : elle est indispensable pour manier les outils numériques. Par exemple, le rapport indique que les élèves ayant les meilleures aptitudes en lecture sont beaucoup moins susceptibles d’être victimes des courriels d’hameçonnage.
Par ailleurs, les enseignants ont besoin de recevoir une formation adéquate. Seule la moitié des pays dispose actuellement de normes pour développer leurs compétences dans le domaine des TIC. Peu de programmes de formation des enseignants abordent la cybersécurité, alors que 5 % des attaques par rançongiciels visent l’éducation.
La durabilité exige également de garantir les droits des utilisateurs de la technologie. Aujourd’hui, seuls 16 % des pays protègent juridiquement la confidentialité des données dans le domaine de l’éducation. L’analyse de 163 dispositifs technologiques éducatifs a révélé que 89% d’entre eux pouvaient accéder aux données des enfants. Enfin, le rapport révèle que 39 des 42 gouvernements fournissant un enseignement en ligne pendant la pandémie ont favorisé des utilisations qui « menaçaient ou enfreignaient » les droits des enfants.
L’UNESCO appelle, via son rapport mondial 2023, à définir au plus vite les conditions de déploiement et d’utilisation des nouvelles technologies afin qu’elles ne puissent jamais remplacer l’enseignement en personne, et qu’elles contribuent à la bonne réalisation de l’objectif mondial d’une éducation de qualité pour tous.
Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, détaille : « La révolution numérique a un immense potentiel mais, tout comme des mises en garde ont été formulées quant à la manière dont elle devrait être encadrée dans la société, une attention similaire doit être accordée à la manière dont elle est utilisée dans l’éducation. La technologie doit améliorer le processus d’apprentissage et servir le bien-être des élèves et des enseignants, plutôt qu’être utilisée à leur détriment. Il faut placer les besoins de l’apprenant au premier plan et soutenir le travail des enseignants. Les interactions en ligne ne peuvent en aucun cas remplacer les interactions humaines ».