- CARRIÈRE INTERVIEWS RSE & DD
- Lou Tardy
- 14 juillet 2021
Rencontre avec Romain Pilliard – fondateur et skipper de USE IT AGAIN !
Bonjour Romain, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours en quelques mots ?
Bonjour, je m’appelle Romain Pilliard, j’ai effectué un Global BBA à l’Essec qui s’est terminé en 98. Durant ces années à l’ESSEC, j’ai pu pleinement découvrir le monde de la voile. J’avais un niveau amateur en arrivant, mais j’ai su utiliser le temps que j’avais à ma disposition pour m’entraîner régulièrement, faire des courses, rejoindre un équipage composé d’équipiers qui avait fait l’America’s Cup et régater au plus haut niveau. Après l’école j’ai commencé à faire des courses plutôt renommées et difficiles tout en travaillant à côté pour le groupe Beneteau. J’avais besoin de trouver des sponsors, et la bulle Internet des années 2000 m’a permis de nouer un partenariat avec « spray.fr » un portail Internet suédois qui m’aura soutenu pendant 1 saison. J’ai fait une seconde saison et j’ai réalisé que ce monde de la course au large serait peut-être un trop étriqué pour moi. Puis je suis parti sur l’organisation de l’America’s Cup, ce qui était une bonne transition avant de monter mon agence de marketing sportif EOL (www.eol-sports.com) avec ma femme (EM Lyon 2002), pour faire du conseil, de la gestion de projet dans le domaine de la voile et de l’événementiel (on n’oublie pas la passion !). Aujourd’hui je promeus toujours ma passion pour la voile en organisant le TOUR DE BELLE-ILE depuis 2008, la plus grande course de France en termes de nombre de participants (amateur comme professionnels) qui conserve une forte touche environnementale, et en faisant moi-même des courses avec mon trimaran USE IT AGAIN ! depuis 2018.
Qu’est-ce que USE IT AGAIN! ? Comment le projet est né ?
Le projet USE IT AGAIN ! vient d’abord de ma volonté de protéger l’environnement et notamment l’Océan. Durant mon parcours, deux évènements majeurs m’ont fait prendre conscience de la réelle nécessité de préserver nos océans. Le premier fût lors de mon stage de fin d’études chez Patagonia, où j’ai pu rencontrer des personnes formidables qui m’ont permis d’y voir plus claire sur le rôle que chacun a à jouer sur la préservation de notre planète, notamment son célèbre fondateur Yvon Chouinard. Le deuxième, et un peu moins optimiste, était en 2000 lorsque l’Erika fit naufrage sur la côte Ouest. J’ai pu constater de mes propres yeux les dégâts sur notre Océan devenu tout noir. Et lorsque j’allais naviguer, j’avalais des boulettes de fioul qui atterrissaient sur le pont de mon bateau, bref, pas très plaisant. Il fallait faire quelque chose. C’est lorsqu’en 2016, avec la compagne, nous sommes partis à Shangaï, car le marché du sport Chinois était en pleine expansion à l’époque, que nous avons pu rencontrer le propriétaire de l’ancien bateau d’Ellen MacArthur ! Je trouvais triste qu’il ne navigue plus, nous l’avons donc ramené en France et remis en bonnes conditions en utilisant autant que possible du matériel et des matériaux existants. Nous souhaitions vraiment nous inscrire dans la boucle de l’économie circulaire. Nous avons ainsi renommé ce trimaran USE IT AGAIN !
USE IT AGAIN! c’est plus qu’un trimaran aujourd’hui ?
USE IT AGAIN! est en effet aujourd’hui un fonds de dotation qui vise à promouvoir l’économie circulaire et à inciter les individus, mais surtout les entreprises, à réellement s’engager dans la transition écologique. Pour simplifier, USE IT AGAIN a trois missions :
- Montrer par l’exemple, que l’on peut œuvrer pour la transition écologique et monter un projet de performance. C’est pourquoi nous faisons des courses avec le trimaran USE IT AGAIN ! J’ai pu atteindre, par exemple, la 4e place lors de la course du Rhum en 2018 en classe Ultime (on souligne la belle performance de Romain !)
- Sensibiliser et éduquer : les experts, les entrepreneurs, les enfants, les écoles. Je suis actuellement Ambassadeur de l’association RESPECT OCEAN, Children for the Oceans, et mentor pour des projets portés par la Fondation américaine Sustainable Ocean alliance
- Communiquer et faire agir, en participant à des évènements plus professionnels comme ChangeNOW Summit 2021, où l’on peut accentuer sur l’importance de promouvoir la transition écologique en démontrant les enjeux géopolitiques engendrés, en incitant à lutter contre les +2°C, etc.
Vous allez prochainement effectuer le « Tour du monde à l’envers » avec votre trimaran USE IT AGAIN, quels sont vos objectifs pour cette course ? Aussi bien en performances chronométrées qu’environnementales.
Il faut savoir que le tour du monde à l’envers est un record très long et très difficile que peu de navigateurs ont réussi à terminer (5 depuis 1895 !). J’aimerais donc inscrire un record avec notre trimaran tout en adoptant un parcours porteur de sens. J’aimerais « naviguer utile », faire preuve de durabilité, comme j’essaie de faire à chaque course, pour limiter l’impact environnemental. Ce qui est assez « amusant », c’est que je pense avoir le trimaran le plus adapté à cette course. Les autres trimarans ultimes modernes sont trop fragiles pour ce parcours étant donné qu’on limite leurs poids pour être plus rapides. De plus durant cette navigation, je vais pour la première fois dans le monde de la voile, pouvoir effectuer un enregistrement acoustique des sons marins. Le but étant qu’un scientifique acoustien les analyse pour identifier les espèces rencontrées au long de mon parcours et ainsi mieux protéger les espèces aquatiques notamment de la pollution sonore.
En parlant de protection des océans, comment pensez-vous qu’il faille agir pour les préserver ?
On a tendance à penser, lorsque l’on parle de pollution des océans, que tout est dû aux navires marchands. Certes cela est en partie vrai, mais il faut aussi penser que l’enjeu est plus large et que notamment nos gestes « à terre », sur le sol, abîme nos océans car nos déchets finissent souvent dans les océans. Donc évidemment j’alarmerai sur notre consommation de plastique, sur des gestes qui peuvent nous paraître sans importance mais qui en vérité le sont. Que ce soit lorsque l’on jette son mégot de cigarette par terre ou bien que l’on utilise des pesticides dans nos champs agricoles. Avec le vent, et notre gestion des déchets, cela finit souvent par atteindre nos mers. Récemment il y a eu l’initiative de Zéro Mégot pour ramasser les mégots de cigarette au bord de la Seine. Ils ont notamment exposé le trajet qu’un mégot de cigarette pouvait suivre avant de finir dans l’océan. Une très belle action de sensibilisation je trouve.
Vous qui faites de grandes courses de voile et cherchez à minimiser votre impact environnemental, pensez-vous que performances sportives et protection de l’environnement soient compatibles ?
Je pense qu’il est nécessaire de s’autolimiter. Actuellement nous sommes dans un dilemme entre grosses performances de vitesse et beaucoup de dégâts sur l’environnement ou inversement. La technique ne nous permet pas aujourd’hui de lier les deux. C’est pourquoi il faut investir dans des procédés plus respectueux de l’environnement (carbone recyclé, fibres et résine bio, …) si l’on veut toujours plus performer. En attendant cela, il est nécessaire de repenser le sport si l’on veut suivre et soutenir ce mouvement global de notre société qui fait des efforts pour la planète. On peut évoquer des coefficients écologiques applicables à chaque participant, qui influenceraient sur la performance finale, ou bien d’autres idées.
Quelques conseils finaux pour les étudiants ?
Je vous conseillerais de réfléchir à ce vers quoi vous voulez tendre. Vous, étudiants, êtes intelligents, étudiez dans de belles écoles et de belles universités, et avez conscience des enjeux climatiques actuels. Chacun a un rôle à jouer face à cette urgence, à vous de vous orienter vers un métier porteur de sens !
Retrouvez les réseaux de Romain Pilliard et de son trimaran : Instagram, LinkedIn, Site web !
On remercie chaleureusement Romain Pilliard pour le temps qu’il nous a accordé !