Interview Xavier Chardon, Président du Directoire de Volkswagen Group France

Interview Xavier Chardon, Président du Directoire de Volkswagen Group France

Dans cet article vous découvrirez le témoignage passionnant de Xavier Chardon, Président du Directoire de Volkswagen Group France. 

Pouvez-vous vous présenter et revenir succinctement sur votre parcours académique et professionnel ?

Bonjour, je m’appelle Xavier Chardon, j’ai 52 ans, je suis originaire de Savoie, marié et père d’un garçon. Mon parcours professionnel s’est entièrement déroulé dans le secteur de l’automobile. En ce qui concerne mes études, j’ai suivi un cursus à l’Institut Commercial de Nancy et à la Luiss University de Rome. Après mes études, j’ai intégré le monde de l’automobile, où je suis resté pendant près de 30 ans.

Mon parcours a débuté avec un Volontariat International en Entreprise (VIE) au sein du groupe PSA, plus précisément chez Citroën en Italie. Par la suite, j’ai travaillé pendant près de 20 ans au sein de Stellantis (anciennement PSA). Depuis plus de 10 ans maintenant, je suis actif au sein du groupe Volkswagen, où j’occupe actuellement le poste de président du directoire du groupe Volkswagen France.

Pouvez-vous nous décrire le groupe ?

Le groupe Volkswagen est un conglomérat regroupant plusieurs marques automobiles, notamment Volkswagen (véhicules particuliers et utilitaires), Audi (marque premium), Skoda, Seat, Cupra, Lamborghini, ainsi que Mo, une marque spécialisée dans les scooters électriques et les trottinettes électriques. Notre entreprise agit en tant que filiale d’importation et de commercialisation de véhicules neufs, tout en assurant l’entretien et la distribution de pièces de rechange.

Actuellement, nous sommes en pleine transformation, avec un double axe sur l’électrification et la digitalisation. Cette évolution nécessite une refonte de notre modèle économique. Concrètement, cela signifie que nous commençons à vendre directement aux clients, à la fois à travers notre réseau de distribution et en ligne. L’électrification représente un défi majeur, notamment en ce qui concerne les investissements dans un réseau de recharge et la formation de professionnels pour la réparation des véhicules électriques, ce qui ouvre la voie à de nouveaux métiers.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle en tant que Président du Directoire du groupe Volkswagen France et comment votre quotidien est impacté par vos missions ?

Mon rôle au sein du groupe Volkswagen est très diversifié, ce qui rend mon quotidien plutôt complexe. J’assume de nombreuses missions qui varient en fonction des urgences du moment. Cependant, avec le recul, j’ai structuré l’activité de l’entreprise autour de trois piliers principaux.

Le premier pilier vise à améliorer nos performances commerciales au sein de chacune de nos marques, que ce soit Volkswagen, Audi, Skoda, Seat, Cupra, Lamborghini ou Mo. Cela inclut également l’augmentation de nos performances en matière de pièces de rechange, une activité qui s’avère très rentable. Nous aspirons également à exceller dans le domaine des véhicules d’occasion, tout en veillant à ce que la croissance de notre chiffre d’affaires se traduise par une augmentation de nos revenus.

Le deuxième pilier concerne la transformation de notre entreprise. Pour cela, il est essentiel que le premier pilier soit rentable, car il financera cette transformation. Cette transformation englobe divers aspects tels que notre stratégie d’électrification, le développement de nouvelles solutions de mobilité et la modernisation de nos réseaux de distribution. Par exemple, nous prévoyons de lancer prochainement un abonnement en partenariat avec le réseau Volkswagen, ainsi qu’en collaboration avec Europcar, afin de proposer des solutions de mobilité flexibles, similaires au modèle « à la Netflix », qui permettront aux clients de consommer la voiture sans engagement à long terme.

Le troisième pilier repose sur la création d’une expérience client exceptionnelle. Notre objectif est de replacer le client au centre de notre dispositif. Pour atteindre cet objectif, nous devons travailler sur la culture d’entreprise, développer les compétences de notre personnel et investir massivement dans la digitalisation.

Ainsi, mon quotidien consiste à coordonner l’ensemble de ces éléments. Nous avons une vision stratégique que nous déclinons annuellement, et personnellement, je fonctionne avec un rythme trimestriel en utilisant des OKR (Objectives, Keys, Results) pour développer ces objectifs sur des cycles plus courts, ce qui nous permet de rester flexibles. Bien sûr, je dois également gérer les urgences et les aléas du marché tout en représentant l’entreprise dans nos interactions avec le monde extérieur.

Comment est-ce que Volkswagen France envisage son engagement dans la résolution des défis environnementaux et technologiques du 21e siècle ? Pensez-vous que ces défis constituent les principaux objectifs de votre carrière à long terme ?

Nous sommes actuellement plongés dans une phase de bouleversement majeur au sein de l’industrie automobile. Je l’exprime souvent en disant que si l’on considère les 50 dernières années de l’automobile, elles ont été moins exigeantes en termes de défis que les 5 prochaines années à venir. Nous sommes confrontés à une transformation extraordinaire, impulsée par plusieurs facteurs clés.

Tout d’abord, il y a l’électrification, qui représente un changement fondamental dans la manière dont nous propulsons nos véhicules. Ensuite, il y a la nécessité croissante de développer la digitalisation pour répondre aux besoins changeants des consommateurs. Enfin, à partir de 2030, nous visons l’automatisation et la conduite autonome. Tous ces éléments convergent vers une transformation totale de notre modèle économique, non seulement dans la production et l’ingénierie, mais aussi dans la manière dont nous distribuons nos produits et interagissons avec nos clients.

De plus, nous avons pris des engagements très forts en matière de durabilité. Nous avons été parmi les premiers à signer les Accords de Paris en 2050, et nous avons également pris l’engagement ambitieux d’atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2040. Cela nécessite non seulement la création de véhicules électriques, mais également une refonte substantielle de nos méthodes de production pour réduire notre empreinte carbone.

Au début de ma carrière, dans le secteur de l’automobile, nous ne prêtions pas une grande attention à ces aspects. La priorité était davantage donnée à la course au volume, à la conquête de parts de marché et bien sûr à la rentabilité. Les temps ont considérablement changé depuis lors, et nous nous trouvons maintenant au cœur d’une transformation majeure pour répondre aux enjeux environnementaux et technologiques du XXIe siècle.

Est-ce que le groupe Volkswagen entreprend des opérations financières stratégiques dans le but de renforcer sa position dominante sur le marché ?

Lorsqu’il s’agit de renforcer nos activités ou de développer de nouvelles solutions, nous envisageons plusieurs approches, y compris des fusions et acquisitions (M&A) impliquant des start-ups ou d’autres entreprises. Un exemple récent de cela est notre rapprochement avec Europcar, où nous avons acquis près de 70 % du groupe. Europcar représente une pièce essentielle de notre offre de solutions de mobilité, nous permettant de gérer une gamme variée d’interactions avec nos clients, allant de la location à l’heure à des contrats sur plusieurs années.

Nous avons également établi des partenariats stratégiques avec des entreprises du secteur des logiciels en Chine, en Europe et aux États-Unis. Nous reconnaissons que le monde évolue rapidement, et qu’il n’est pas toujours possible de tout développer en interne. Par conséquent, ces partenariats nous permettent de rester à la pointe de l’innovation.

En ce qui concerne le capital-risque (venture capital), plusieurs de nos marques, telles que Porsche, Audi et Volkswagen, effectuent ce type d’investissements pour soutenir le développement de nouvelles technologies et de solutions innovantes. En France, par exemple, la marque Audi a lancé une plateforme d’innovation et a déjà commencé à soutenir une start-up spécialisée dans valorisation de la chaîne de CO2.

Pouvez-vous nous parler des avantages et des défis liés à la gestion d’un portefeuille aussi diversifié de marques, notamment en termes de marketing et de communication ?

Le groupe Volkswagen dispose d’un vaste portefeuille de marques, que nous avons segmenté en différentes catégories pour répondre aux besoins diversifiés de nos clients.

D’un côté, nous avons nos marques de volume, notamment Seat, Cupra, Skoda, Volkswagen, qui ciblent une clientèle plus large en termes de prix et de typologie de clients. Chacune de ces marques a son propre positionnement et son image distincte. Par exemple, Skoda s’adresse davantage à une clientèle plus âgée et axée sur les activités familiales, tandis que Cupra cible une clientèle plus jeune, recherche un design distinctif et exprime une sportivité marquée. Chaque marque dispose également de canaux de communication spécifiques.

D’autre part, nous avons un pôle plus premium, comprenant des marques telles qu’Audi, Bugatti, Lamborghini et Bentley. Porsche est géré séparément en raison de son récent IPO. Enfin, nous avons nos activités liées aux poids lourds, notamment MAN, Scania et Navistar.

La segmentation de nos marques est essentielle car elle nous permet de répondre de manière plus ciblée aux besoins de nos clients tout en évitant la cannibalisation des segments de marché et des typologies de clients similaires. Cela signifie que chaque marque peut s’exprimer avec sa propre identité tout en maximisant les synergies lorsque cela n’affecte pas négativement l’expérience client ou le positionnement de la marque.

Nous cherchons constamment à identifier et à exploiter les synergies, notamment au niveau de nos réseaux de vente. Nos investisseurs représentent différentes marques, chacune ayant ses propres caractéristiques, mais nous mettons en place des éléments de synergies, tels qu’un centre de réparation de batterie électrique, qui permet de mutualiser les ressources et de monter en compétences sans affecter l’expérience client. L’objectif est d’optimiser nos opérations tout en préservant l’unicité et le positionnement de chaque marque.

Votre carrière semble être centrée sur le secteur de l’automobile, comment pouvez-vous expliquer ce choix ? Qu’est-ce qui vous motive le plus dans ce secteur ?

Mon attrait pour le secteur automobile a toujours été présent, même si je ne viens pas d’une famille étroitement liée à cette industrie. Mes premiers contacts avec le monde automobile étaient plutôt limités, mais je me souviens que le père d’un de mes meilleurs amis était garagiste, et j’appréciais beaucoup l’atmosphère qui régnait dans ce milieu. Même quand j’étais jeune, j’étais abonné à des magazines spécialisés. Pour moi, l’automobile a toujours été synonyme de liberté. Je viens d’un petit village en Savoie, et à l’âge de 18 ans, j’étais ravi de pouvoir ressentir ce sentiment de liberté que procure une voiture.

Je suis fermement convaincu que, malgré les critiques fréquentes adressées au secteur automobile, il continue de fournir des solutions de mobilité essentielles et de représenter la liberté. Au fil de mes études, j’ai eu l’occasion d’explorer d’autres domaines tels que la grande distribution et l’industrie, mais dès que j’ai eu l’opportunité de travailler chez Citroën à la sortie de l’école, je me suis senti parfaitement à ma place dans ce secteur. Je n’ai jamais regretté ce choix.

Bien que j’aie toujours travaillé dans le secteur de l’automobile, j’ai eu l’opportunité de travailler au sein de différents groupes et à l’international (Italie, Danemark, Allemagne, Chine). Mes missions ont également été variées, couvrant des domaines tels que la vente, le marketing, et bien plus encore. Mes responsabilités actuelles me permettent de rencontrer un large éventail de personnes, que ce soit des journalistes, de grands clients achetant des milliers de véhicules, ou des designers présentant des produits futurs et sollicitant notre avis.

Nous évoluons dans un monde en constante mutation, et cela rend ma carrière professionnelle incroyablement passionnante, car de nouveaux défis se présentent en permanence.

Quels enseignements tirez-vous de vos expériences à l’étranger, notamment en Italie, en Allemagne, au Danemark ou encore en Chine ?

Ma personnalité est marquée par un fort désir d’interagir avec les autres, et je suis naturellement très curieux. Travailler à l’international a toujours été une manière pour moi de sortir de ma zone de confort, bien que cela comporte parfois des défis. Chaque expérience à l’étranger m’a apporté de nouvelles perspectives, enrichies par les interactions avec les personnes que j’ai rencontrées.

Par exemple, lorsque j’ai débuté ma carrière au Danemark, j’ai rapidement remarqué que ce pays était en avance en ce qui concerne l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. Les habitants quittaient relativement tôt leur lieu de travail pour profiter de leur temps libre, mais ils n’hésitaient pas à revenir en soirée pour traiter leurs dossiers ou répondre à leurs e-mails.

Plus récemment, mon expérience en Chine m’a éclairé sur la question de la rapidité d’exécution. J’ai été frappé par la différence marquée entre la Chine et l’Europe à cet égard. En Chine, une tâche planifiée pour une semaine à l’avance est considérée comme loin d’être urgente, et le terme « urgence » est réservé aux tâches à accomplir dans l’heure qui suit. Cette observation souligne la diversité des approches professionnelles à travers le monde et enrichit ma compréhension des dynamiques internationales.

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres clés du groupe ?

Nous avons une présence mondiale avec un effectif de 670 000 employés. Notre groupe affiche une rentabilité solide, et cette année, nous prévoyons de réaliser un bénéfice de plus de 20 milliards d’euros. Plus important encore, nous sommes engagés à investir massivement dans l’avenir. Au cours des cinq prochaines années, nous prévoyons d’investir pas moins de 180 milliards d’euros.

Ces investissements seront axés sur trois domaines clés : l’électrification, la digitalisation et les nouvelles formes de mobilité. C’est notre engagement envers une transformation majeure pour répondre aux défis de l’avenir.

Est-ce que Volkswagen a l’habitude de recruter des stagiaires ou des alternants ? Si oui, pour quels types de postes et quelles sont les pratiques de recrutement de l’entreprise ? Quelques mots pour convaincre nos lecteurs ?

Nous avons l’habitude d’accueillir des stagiaires et des alternants, et cela fait partie intégrante de notre engagement envers le développement des talents. Récemment, en juillet, nous avons accueilli 35 nouveaux stagiaires. Nos programmes de stages débutent en janvier et en juillet, avec en moyenne entre 30 et 50 stagiaires par promotion.

En tant que groupe, nous attachons une grande importance à l’accueil des stagiaires, et nous sommes fiers de convertir de nombreux stages en opportunités d’embauche. De fait, de nombreux membres de notre personnel sont d’anciens stagiaires.

Nos promotions de stagiaires sont souvent importantes, ce qui favorise la création d’une véritable communauté de stagiaires au sein de l’entreprise. Cette communauté offre un environnement propice à l’intégration et à l’échange.

Nous proposons également un cadre de travail attrayant, comprenant trois jours en présentiel et deux jours en télétravail. Travailler au sein de notre groupe offre l’opportunité de s’immerger dans un secteur où les marques sont très attractives, et nous attachons une grande importance à l’avis des nouveaux stagiaires, car la nouvelle génération représente l’avenir.

Les missions qui vous seront confiées sont variées et peuvent englober des domaines tels que la finance, le contrôle de gestion, la digitalisation, le développement de projets, les ressources humaines, et bien plus encore. Nous offrons également de nombreuses opportunités pour les étudiants en écoles d’ingénieurs.

Un grand merci à Xavier Chardon pour cette interview !