- ACTU ÉCOLES ÉCOLES DE COMMERCE ENQUÊTES
- Dorian ZERROUDI
- 12 novembre 2020
Confinement : les étudiants des Grandes Écoles réclament une remise des frais de scolarité
Alors que tous les cours de l’enseignement supérieur sont passés en distanciel après les annonces du Président de la République, à l’exception des CPGE et des BTS, les étudiants en Grande Ecole de commerce ont eu des réactions extrêmement différentes. Certains relativisent alors que d’autres crient à l’indignation, notamment au sujet des frais de scolarité. En effet, pourquoi payer exactement le même prix pour une prestation qui n’a finalement plus rien à voir avec ce qui était initialement prévu ? Cette question enflamme quelques milliers d’étudiants dans le monde des Grandes Ecoles de commerce actuellement.
Les frais de scolarité sont un enjeu qui devient de plus en plus crucial pour les écoles de commerce. Cet été, Mister Prépa a réalisé une enquête portant sur l’évolution des frais de scolarité dans l’ensemble des Grandes Écoles Post-CPGE.
Une évolution alarmante certes mais qui s’explique principalement par le retrait des chambres de commerces et d’industrie (CCI), l’augmentation de la concurrence internationale ainsi qu’une hausse des salaires dans certains secteurs d’activité. De manière générale le retour sur investissement est très intéressant pour ces quelques milliers de diplômés de Grandes Ecoles. L’écrasante majorité des étudiants arrive à rembourser leur prêt quelques années après diplomation.
Mais à l’heure où la COVID-19 a chamboulé cela, une telle hausse n’est-elle pas à remettre en cause ? L’employabilité, roi des arguments des écoles de commerce est-elle restée inchangée ? Quelles sont les réactions des étudiants ?
Rappel : Une inégalité dans le financement avant intégration
Il est malheureusement utopique de croire qu’une fois le concours (prépa ou AST) terminé, il est facile de contracter un prêt à la banque, d’autant qu’un étudiant demande en moyenne 48 000€*, somme qui permet aux étudiants de financer leur scolarité, mais aussi la vie quotidienne (loyers, transports, loisirs etc.). Au vu de la situation de certains profils, les banques sont assez frileuses à l’idée d’effectuer un prêt d’un montant si important, généralement à cause des garants. C’est notamment ce qu’expliquait Ayoub sur Mister Prépa qui est loin d’être un cas isolé.
Une certaine pression émerge sur les étudiants, qui ne rend pas les choses faciles… C’est notamment le cas de Léa, étudiante dans une école parisienne, qui nous a confié « avoir une pression très importante au vu de l’importante somme de l’emprunt ». Certains étudiants AST mais surtout prépa savent que ce type d’étude sont vecteurs d’ascension sociale très importante comme nous l’a confié David, étudiant à l’ESSEC, « j’ai toujours fait les études les plus poussées possibles pour avoir une belle situation à l’avenir et être véritablement libre, de choisir ce que je ferai, de pouvoir voyager, cela est ma motivation primaire depuis que je suis jeune ». Mais le fait d’avoir un remboursement du prêt s’échelonnant sur plusieurs années (généralement 8 à 10 ans) n’arrange pas les choses, surtout pour les étudiants désireux de monter une entreprise, qui ne pourront pas se permettre de prendre des risques financiers, ce qui est pourtant la base d’un projet entrepreneurial.
Il existe cependant une pluralité d’alternatives à l’instar des prêts garantis par l’Etat, des banques partenaires aux Grandes Écoles, des bourses délivrées par la fondation de l’école, de fonds d’aides fondés sur l’excellence académique et/ou les critères sociaux sans parler de l’alternance qui commence à être de plus en plus présente dans cette formation et qui est un vrai substitut aux prêts.
Une rentrée 2020 décevante au vu du contexte
Avec la pandémie qui a frappé la planète cette année, les concours ont été chamboulés : à distance puis sur dossier pour les candidats AST, avec des écrits repoussés et des oraux annulés pour les préparationnaires. Alors que les résultats sont tombés mi-août 2020, les étudiants ont dû par la suite chercher un logement alors que tous les étudiants des autres cursus avaient déjà trouvé le leur, puisque ces derniers n’ont pas été confrontés à la problématique du report des dates de concours. L’année scolaire a donc commencé pour beaucoup d’étudiants par ce stress de ne pas trouver un logement. Certains étudiants d’une Grande Ecole de commerce parisienne nous ont d’ailleurs confié, un mois après la rentrée, ne pas avoir de logement et habiter chez un membre de leur famille, bien loin de leur école.
De plus, chaque année les rentrées en école de commerce sont amorcées par le WEI (Week-End d’intégration). C’est le moment pour les étudiants de s’intégrer, de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir les différentes associations étudiantes. Ce dernier n’a malheureusement pas pu être organisé comme la tradition l’aurait souhaité, ce qui a déjà déçu bon nombre d’étudiants. D’autant que la vie associative est ce qui rythme la vie étudiante, ce qui leur permet de développer de vraies compétences avant d’effectuer les premiers stages. « Cette expérience très professionnalisante, qui fait la force de la grande école n’a pas pu avoir lieu cette année, les écoles n’y sont pour rien certes mais cela dommage énormément notre expérience étudiante. » nous confie Cassandre, étudiante à l’ESCP Business School.
Une pétition signée par plus de 17 000 étudiants en 48 heures
« L’idée de cette pétition était de mettre à la lumière du jour la situation difficile des étudiants d’écoles de commerce qui pour la plupart ont à charge un prêt pour financer leurs études onéreuses. Venant moi-même d’une famille modeste et fragilisée financièrement par la crise sanitaire, je considère la situation actuelle assez problématique : certains élèves payent des loyers inutilement et la qualité des cours en ligne est nettement moins bonne que celle des cours normaux. En ces temps difficiles, un geste de la part des écoles serait le bienvenu. » nous a confié l’un des initiateurs de cette dernière.
Nous avons par conséquent sondé plusieurs dizaines d’étudiants signataires afin d’avoir leur ressenti par rapport au contexte actuel. Certaines actions en interne ont eu lieu comme à TBS où des étudiants ont pu être critiques, comme dans beaucoup d’autres écoles d’ailleurs, mais les choses sont loin d’être dramatiques comme nous l’explique Martin étudiant en deuxième année qui a du recul sur cette situation.
« La baisse des frais de scolarité est légitime au vu du contexte si particulier dans lequel nous sommes. Toutefois je ne dénigrerai en aucun cas la qualité du corps professoral de l’école. Pour avoir vécu le présentiel et le distanciel, les cours sont de même qualité, les professeurs sont présents et à l’écoute des étudiants, répondent rapidement aux mails et organisent parfois des séances de tutorat supplémentaires pour les étudiants en difficulté. Par ailleurs, l’école a mis en place une cellule covid l’an dernier pour aider les étudiants sur différents plans. Cette année TBS envisage même d’octroyer une bourse aux étudiants ayant des contraintes financières »
Kamel, étudiant à l’EDHEC nous a confié être déçu du calcul coût/avantage, « élément principal » pour lequel il avait choisi de faire cette formation. En effet, « dans ce calcul coût/avantage, nous, les étudiants, prenions en compte de nombreux facteurs qui ne sont plus présents aujourd’hui. C’est le cas de la vie associative, des magnifiques campus, des locaux, des évènements, qui n’auront pas lieu, et encore une longue liste d’éléments qui viennent littéralement contrebalancer ce calcul coût/avantage initialement présent dans notre esprit. »
De manière générale, des échanges que nous avons eus avec ces derniers, les étudiants sont compréhensifs par rapport à cette situation, mais une transparence et une communication plus accrue en interne est vraiment attendue.
« Personnellement, je comprends que le changement organisationnel puisse coûter à l’école, mais cela reste marginal par rapport à tous les coûts économisés par cette dernière. Il me semble nécessaire que les écoles fassent un pas vers leurs étudiants en proposant une remise sur les frais de scolarité ou une explication claire justifiant leur positionnement » nous livre Paul, étudiant en première année à l’EDHEC.
Une employabilité remise en cause ?
La recherche d’un stage ou même d’un CDI devient de plus en plus compliquée pour les étudiants à cause du contexte qui n’arrange pas les choses. Actuellement, environ 40% des offres de stage sont soit annulées soit repoussées. Beaucoup d’entreprises perdent de l’argent, sont obligées d’alléger leur effectif et ne sont plus en capacité de recruter comme auparavant. Il y a toutefois des secteurs plus touchés que d’autres à l’instar des métiers de terrains et/ou opérationnels. « Le secteur de la finance est par exemple bouché pour les recrutements en CDI », nous raconte Samuel, étudiant à emlyon, « où de nombreux étudiants visent pourtant les banques d’affaires anglo-saxonnes comme Goldman Sachs, JPMorgan ou Rotschild&Co ». En plus de tout cela, il faut arriver à mettre en place le télétravail ce qui n’est pas une chose facile pour une pluralité d’entreprises.
En plus de la difficulté de trouver un emploi, l’annulation des échanges universitaires et doubles-diplômes s’ajoutent à cela. Les écoles envisagent des solutions en reportant les échanges, mettant des étudiants prioritaires pour certains doubles cursus mais ce n’est pas évident de satisfaire tout le monde. Encore une fois, l’heure est à la compréhension chez les étudiants qui sont lucides face à cette situation. « Cela ne me dérange pas de payer le même prix que ce qui été annoncé au préalable, toutefois nous n’avons pas les mêmes chances d’employabilité par la suite et c’est ça qui m’effraie énormément… » explique Louis étudiant à Grenoble EM. Les étudiants attendent donc un soutien plus important au niveau des écoles comme nous l’explique Julia étudiante à SKEMA « Les écoles doivent redoubler d’efforts dans ce contexte si particulier, on sait que cela n’est pas évident pour elles comme pour nous ».
C’est pourquoi nous nous engageons à aider et accompagner les étudiants via Planète Grandes Écoles en leur proposant des offres de stages et d’emplois mais surtout une découverte des différents secteur, des entreprises etc.
Des écoles qui agissent pour leurs étudiants
Certaines écoles mettent en place des mesures d’aides exceptionnelles pour aider leurs étudiants dans ce contexte peu évident. C’est notamment le cas de MBS qui a va effectuer un report du paiement de la mensualité des frais du mois de décembre pour les familles en difficulté. Outre cela, « le confinement impacte directement les revenus de certaines étudiants et leurs familles. Face à ces difficultés, MBS est solidaire et débloque un nouveau fonds de solidarité de 100 000€ pour venir en aide aux étudiants les plus en difficulté. Une commission extraordinaire se tiendra tous les quinze jours afin d’étudier toutes les demandes en urgence », explique Bruno Ducasse, directeur général de MBS.
Au printemps dernier une dizaine d’écoles avaient aider les étudiants via des aides financières et morales. Espérons que cela se réitèrera en cette fin d’année, restons optimistes.
Lire plus : Les actions des écoles et des associations en temps de COVID-19
*Données Mister Prépa – Planète Grandes Écoles sur un échantillon de 250 étudiants en Grandes Ecoles.
Pour préserver l’anonymat des étudiants interrogés, les noms en italique ne sont pas des vrais.