Association Sportive de SciencesPo : lettre ouverte à la future direction

Association Sportive de SciencesPo : lettre ouverte à la future direction

L’Association Sportive de SciencesPo Paris a rédigé une lettre ouverte adressée à la future direction. Dans cette lettre l’association dénonce le fait que le sport ne soit pas assez valorisé, réduit à un simple divertissement ou loisir. Afin de faire changer les mentalités vis-à-vis du sport, l’AS de SciencesPo  a ouvert une pétition.


La lettre ouverte de l’AS de SciencesPo Paris pour leur future direction

“Pour de l’or, il faut de l’argent” (Libération, 13 octobre 2021)

      Le 4 août 2021, Sciences Po publiait une communication officielle intitulée “Découvrez comment les dirigeants successifs de notre université se sont efforcés de donner une plus grande place au sport à Sciences Po”. Au sortir d’une année de restrictions qui a mis à mal la vie sportive et associative des étudiant.e.s, nous avons décidé, sportif.ve.s de l’école et ancien.e.s bénévoles de l’AS, de prendre la parole pour demander plus d’écoute et de considération envers le sport de la part de la prochaine présidence.

Le sport a trop souvent été laissé de côté dans notre maison, assigné au simple statut de loisir et rarement pris au sérieux. Si nous prenons la plume aujourd’hui, c’est pour mettre en lumière l’importance d’une politique de long terme qui favorise la pratique sportive et tous les bénéfices qu’elle apporte au bien-être des étudiant.e.s.

Le sport a plusieurs rôles fondamentaux pour la vie des étudiant.e.s : la compétition, la santé et l’intégration. Le sport universitaire permet l’accès à une pratique physique à bas prix tout en favorisant l’intégration des nouveaux.elles étudiant.e.s par la convivialité des équipes. Il honore également l’école en portant ses couleurs lors des différentes compétitions.

C’est pourquoi nous souhaitons tout d’abord revenir sur quelques points de mécontentements liés à une présidence passée très peu sensible à l’importance du sport. Depuis plusieurs années, nous constatons une dégradation des moyens mis en place pour assurer la santé physique et mentale des étudiants, ainsi que pour favoriser la compétition.

Mais puisqu’il faut aller de l’avant, nous profitons de ce changement de présidence pour adresser aux candidat.e.s et à l’administration une liste d’idées qui permettraient sensiblement l’amélioration des conditions de la pratique du sport à Sciences Po.


Une présidence passée très peu sensible à l’importance du sport

En 2019, lorsque nous rencontrons Frédéric Mion pour discuter de l’année sportive universitaire, nous découvrons avec surprise qu’il ignore que les compétitions universitaires ont lieu le jeudi après-midi, alors même que banalisation de cette demi-journée pour le sport est une demande des nombreux.se.s sportives et sportifs de l’école depuis des années. Dans la France entière, toutes les écoles et universités de France ont leur compétitions le jeudi après-midi. Preuve du peu d’intérêt porté au sport par la direction.


La compétition

Aujourd’hui, notre ressenti est le suivant : notre école ne s’intéresse à ses sportif.ve.s que pour l’image qu’ils et elles renvoient de l’institution. 

Publiquement, Sciences Po ne cesse de vanter les résultats de ses sportif.ve.s dans sa communication officielle, notamment nos médailles chaque année aux championnats de France universitaires et les réussites des membres du programme CSHN. Chaque année l’administration réaffirme sa volonté de pousser la compétition et la performance de nos équipes. Cependant, cette volonté nous semble contradictoire avec les moyens effectivement mis en place. En réalité, à chaque début de semestre, les sportif.ve.s doivent négocier au travers de dizaines d’échanges de mails, parfois peu concluants, pour pratiquer un sport et/ou aménager le jeudi après-midi. Pratiquer du sport en compétition est un véritable parcours du combattant face à une administration qui n’est pas du tout ouverte à un aménagement des emplois du temps. Comment prétendre à la compétition et faire rayonner le sport à Sciences Po sans nos effectifs sur les terrains et les pistes ?

À titre de comparaison, à HEC les étudiant.e.s ont accès à une salle de musculation, sur le campus de Nancy le jeudi après-midi est banalisé (grâce à une direction très favorable au sport) et à Polytechnique le sport est obligatoire.

À Sciences Po, alors qu’en 1934 l’école disposait d’un gymnase sur le campus, que l’AS avait l’entièreté du local associatif pour la gestion du matériel jusqu’en 2016, aujourd’hui les sportif.ve.s disposent d’un espace réduit où stocker le matériel (ballons, maillots, plots, divers équipements), que l’administration tente chaque année de supprimer. À toutes nos propositions et demandes, Sciences Po répond : nous n’avons pas la place. Pourtant, lors de l’instauration du projet de campus à l’Artillerie, nous n’avons aucunement été concerté.e.s pour des potentielles améliorations pour les associations permanentes alors que nous avons de nombreuses idées à proposer. Nous constatons, de manière générale, une tendance de certains membres de l’administration à considérer les associations comme des prestataires de services plutôt que d’une réelle politique d’écoute des retours et compétences des bénévoles. 


La santé

Depuis plus d’un an et demi la pandémie Covid-19 a mis à mal la santé physique et mentale des étudiant.e.s. L’activité physique est essentielle pour notre santé, y compris la santé mentale, et elle permet de lutter contre la sédentarité. En janvier 2021, le professeur en physiologie cardiovasculaire François Carré, auditionné par le Sénat, pointait les dangers de la sédentarité et soutenait : « la nourriture du cerveau, c’est l’activité physique ».

Malheureusement, l’AS a fait beaucoup de propositions concrètes que l’administration n’a souvent pas pris le temps de considérer, voire a compliqué la réalisation d’initiatives. L’administration s’est souvent contentée d’utiliser le travail des bénévoles -qui tentaient de garder le lien avec les étudiant.e.s- à des fins de communication. Soigner son image, encore une fois. Peut-être est-il temps de faire de la santé des étudiant.e.s une priorité concrète, loin des effets de communication ?


L’intégration sociale

      Le sport est également un vecteur d’intégration sociale essentiel car rejoindre une équipe c’est avant tout rejoindre un groupe au sein duquel les étudiant.e.s nouent des relations sociales et amicales primordiales à leur équilibre. Le sport permet de poser un cadre rassurant tout en faisant converger des personnes venues d’horizons divers, de différentes promotions, campus, internationaux, parcours académiques, autour d’une activité, parfois même passion, commune.


Le sport : levier d’action sur des enjeux de société

Au-delà de la santé et de la sociabilité des étudiant.e.s, le sport est loin d’être un simple loisir : il cristallise des enjeux de société, notamment les discriminations. C’est la raison pour laquelle il est aussi un levier d’action essentiel, en agissant sur des aspects on ne peut plus concrets. L’AS travaille depuis des années sur le sujet de l’égalité femmes-hommes dans le sport : refonte des chants, prévention avant et pendant les événements pour éviter les agressions à caractère sexiste et sexuel, promotion active du sport auprès de la communauté féminine et lutte contre l’auto-censure, conférences sur le sport de haut niveau et le sexisme systémique, lobby auprès de la FFSU et des différents organisateurs de tournois (dont l’ancien CRIT) pour que les femmes aient accès à des infrastructures respectables, sensibilisation à l’endométriose dans pratique sportive, etc.

Une volonté qui porte progressivement ses fruits. En 2019, Sciences Po avait un taux de licenciées féminines de 45,6%, contre seulement 26% en Île-de-France (chiffres FFSU). Nos équipes féminines brillent chaque année en rapportant des médailles d’or aux championnats de France : volleyeuses en 2019 (et basketteuses championnes IDF), rugueuses en 2018 (et footballeuses championnes IDF), handballeuses en 2017. 

D’autres sujets traversent le monde sportif et étudiant : l’accès au sport pour les personnes en situation de handicap, l’accès à des sports normalement extrêmement coûteux comme le ski pour des élèves boursier.e.s, etc.

Le chemin est long et la tâche immense. Nous sommes encore trop loin d’une situation optimale d’inclusivité dans le monde sportif. Nous demandons ainsi un soutien sur ces sujets concrets sur lesquels nous travaillons quotidiennement (notamment dans notre volonté de faire évoluer les différentes organisations avec lesquelles nous collaborons, souvent trop peu ambitieuses et réticentes au changement), au lieu de simplement chercher à conforter son image institutionnelle de manière superficielle.

Si la présidence passée n’a pas fait du sport une priorité, nous espérons que la nouvelle présidence y portera plus d’attention.

Les sportif.ve.s n’ont pas l’habitude de prendre la parole publiquement, pourtant, nous pensons qu’en cette période post-covid 19, après l’affaire Duhamel et le changement de présidence, l’école gagnerait à écouter plus ses étudiant.e.s et les associations ; car nous sommes sur les terrains. Le sport anime la vie étudiante depuis 90 ans (création de l’association en 1931) au sein de Sciences Po et il sera à l’honneur en France en 2024. Il est temps de considérer la pratique sportive avec sérieux au sein de notre institution et de nous donner les moyens de porter haut nos couleurs.


Quelques idées à l’intention du futur directeur de Sciences Po 

  • Banalisation du jeudi après-midi pour les compétitions sportives ;
  • Accompagnement des sportif.ve.s dans leur aménagement de scolarité pour le sport en compétition ;
  • Création d’une salle multi-activités consacrée au bien-être des étudiants (yoga, méditation, cours de danse, etc ; notamment demandée en 2020 afin de lutter contre le stress et l’anxiété des étudiants). Un espace qui pourrait également être utilisé pour des activités culturelles dans ce même esprit de bien-être ;
  • La mise en place de vestiaires et de douches sur le nouveau campus pour permettre aux étudiants.e.s de se changer après leurs entraînements qui ont majoritairement lieux en pleine journée et pour lesquels il n’y a pas toujours de vestiaires sur place ;
  • Un espace de stockage du matériel avec des casiers fermés pour éviter les pertes ou les vols.

 

Cette lette a été co-écrite par des ancien.ne.s de l’AS et relue par plusieurs générations afin d’obtenir une vision globale sur plusieurs années.

*Nous tenons à préciser que cette lettre est adressée à la direction de Sciences Po et non pas au membre de l’administration chargé de nous accompagner sur la gestion des activités sportives au quotidien. Cette personne nous soutient vraiment, seulement sa charge de travail est conséquente et elle doit également composer, tout comme nous, avec une politique globale qui n’encourage pas assez à la pratique sportive.

La pétition qui accompagne cette lettre a pour objectif de recueillir le soutien de nombreux.ses étudiant.e.s passé.e.s par les bancs de notre école et pour qui le sport a eu un rôle important au cours de leur scolarité, participant à leur épanouissement.