Apple : Rencontre avec Bertrand GODINOT (DG France 2011-2019)

Apple : Rencontre avec Bertrand GODINOT (DG France 2011-2019)

Décembre 2019. Période de grêve générale. Jour de pluie. En cette fin d’année, nous nous trouvons dans un café parisien, en présence de Bertrand GODINOT, qui était il y a quelques semaines encore à la tête de la direction France du géant américain, Apple. Retours en quelques lignes sur nos échanges, pour le moins… inspirants ! 

 

Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, je m’appelle Bertrand Godinot, j’ai 49 ans, je vis à Paris et je suis fais actuellement du conseil pour des start-up, après avoir été Directeur Général d’Apple France entre 2011 et 2019. 

 

Pourriez-vous nous décrire votre parcours académique ?

J’ai effectué une classe prépa ECE au lycée Notre Dame de Grandchamp, à Versailles. C’était l’époque où la prépa se faisait encore en un an ! Suite à cela, j’ai intégré l’ISC Paris, où je me suis beaucoup engagé dans les entreprises étudiantes.

 

Que retenez-vous de votre parcours en Grande École ?

J’en ai principalement retenu 2 choses. 

  • La vie associative : À l’ISC les entreprises étudiantes étaient très importantes. Je faisais partie à l’époque de ISC Prod qui gérait la production audiovisuelle. Nous réalisions des prestations vidéo pour entreprises. Nous utilisons du matériel professionnel et proposions des services de qualité aux entreprises, à des prix en dessous de ceux du marché.
  • La professionnalisation du parcours : En école de commerce, nous avons l’opportunité de faire beaucoup de stages, que ce soit en France ou à l’étranger. À mon époque déjà l’ISC Paris bénéficiait d’une bonne visibilité auprès des entreprises. Qui plus est, le fait que l’école soit à Paris facilite grandement les choses.

 

Comment une école de commerce prépare à être Directeur Général ?

L’école de commerce ne nous forme pas exactement à devenir DG, évidemment, ce serait trop réducteur. En revanche, elle nous prépare à être flexible en nous apportant de solides bases en finance, comptabilité, management, leadership etc. La prépa, elle, permet de s’éveiller intellectuellement. L’expérience et la fine connaissance du domaine est ensuite ce qui viendra faire la différence pour occuper des postes de haute direction.

 

Y avait-il déjà, il y 30 ans environ, ce même engouement pour les fameux classements des écoles de commerce ?

Oui, cela existait déjà et était déjà important pour les étudiants. En revanche, ces classements sont quand même liés à des critères très académiques. Dans le monde de l’entreprise, les critères sont parfois différents. Je réalise que mes camarades de promo de l’ISC Paris ayant emprunté un parcours professionnel international réussissent très très bien. D’autres, qui ont fait le choix de rester en France, peuvent plus facilement se heurter à un plafond de verre pour des postes qui requièrent explicitement d’avoir fait telle ou telle école. Dans mon cas par exemple, j’ai choisi l’étranger. J’ai travaillé pendant 10 ans pour la même personne (un Anglais) qui ne m’a jamais demandé précisément quelles études j’ai faites, mais bien plus quel business j’allais faire derrière et quel mindset j’avais.

 

Pensez-vous que vos expériences internationales représentent un réel avantage dans votre carrière ?

En entreprise les facteurs humains sont très importants. Il faut avoir des gens qui pensent différemment, qui viennent de différentes cultures, qui brassent des idées différentes. En ce sens, avoir de l’expérience internationale sur le CV représente évidemment un énorme avantage pour des entreprises qui sont axées sur l’innovation et la remise en question perpétuelle de leurs stratégies produits, comme c’est le cas chez Apple par exemple. Lorsque j’étais en Corée, j’ai remarqué que dans leur culture, le patron est là pour avoir raison. Or, il est des situations dans lesquelles celui-ci ne peut pas avoir réponse à tout. Dans ce genre de cas précisément, il est important d’avoir dans son équipe des personnes venant de cultures différentes, qui vont oser remettre un peu en question les certitudes du patron pour faire avancer les choses. C’est même vital pour une entreprise qui veut réellement avancer !

 

Quel était votre rôle en tant que DG France chez Apple ? Et comment arrive-t-on à un tel poste ?

De manière générale le rôle du DG est de créer une équipe qui soit la meilleure possible, la motiver, l’entraîner et la responsabiliser. Également, d’arriver à équilibrer le court, moyen et long terme. Concrètement il s’agit de mettre à exécution des plans à 6 mois, 3 ans, 10 ans pour clarifier la vision au maximum.

Concernant la question de comment peut-on arriver à la tête de la Direction Générale, il faut être bon dans ce qu’on fait, bien évidemment. Il faut aussi savoir développer son réseau, car la réalité, c’est que plus vous rencontrez de gens, plus il y aura des personnes qui reconnaîtront votre valeur, et plus ce sera efficace. Il est nécessaire d’être capable de se juger, être conscient de ce qu’on sait faire ou non. L’arrivée au poste de DG se passe souvent en interne. Il y a des tours de sélection, il faut donc être le meilleur pour décrocher le poste. C’est un concours, en quelque sorte !

 

Comment la digitalisation a-t-elle modifié votre manière de travailler ?

Lorsque j’ai commencé à travailler, il n’y avait pas de mail, donc c’était un tout autre monde ! Ce qui a vraiment changé, ce sont les moyens de communication internes à l’entreprise qui ont accéléré les échanges (fax, e-mail, téléphones etc). Cela a représenté un gain de temps monstrueux. Ce changement a aussi renforcé la précision de nos informations, puisqu’il suffit de passer un coup de fil en quelques secondes pour obtenir une info plutôt que de poursuivre avec des données approximatives. Enfin, la relation au client a énormément changé. Nous avons aujourd’hui les moyens de connaître beaucoup mieux nos clients grâce à des outils sophistiqués, en ce sens nous sommes donc beaucoup plus proches d’eux que nous l’étions auparavant, ce qui pose bien entendu de nouvelles questions sur notre manière de concevoir notre communication.

 

Quels profils recrutiez vous chez Apple France ?

Apple aime beaucoup les profils issus d’écoles d’ingénieur, de commerce, de Sciences Po et de Dauphine ! Ils ont globalement tous la même capacité de travail, sont assez dans la même logique de carrière et collaborent bien ensemble. Ce sont clairement les profils privilégiés oui.

Un grand merci à Bertrand GODINOT pour cet entretien, en espérant qu’il vous ait éclairé davantage sur le rôle de Directeur régional d’une grosse boîte de la Tech !

 

Lire plus : Rencontre avec Marco Landi – Ex directeur monde d’Apple

Co-fondateur du média, je gère les relations avec les entreprises partenaires et les Grandes Ecoles. En parallèle étudiant à Sciences Po Paris ainsi qu'à emlyon business school.